Pareil volumineux et « inconfortable » format incite déjà à une position de lecteur recueillie. Tant mieux. On ne peut s’installer n’importe comment pour parcourir et goûter le passionnant Ecrire la mythologie, superbement illustré et édité, qu’a concocté la spécialiste du xviie siècle Emmanuelle Hénin. « Les mythes nous pressent de toutes parts, ils servent à tout, expliquent tout », écrivait Honoré de Balzac en 1836. C’est ainsi à une triple odyssée — mythologique, littéraire et artistique — que nous invite l’ouvrage érudit et magique à la fois, à travers les grands récits gréco-romains qui ont fondé notre culture occidentale et les grandes oeuvres poétiques, romanesques, théâtrales et picturales qu’elles inspirèrent aux meilleurs créateurs.
Si Platon tira un parti très philosophique de quelques grands mythes, s’ils nourrirent bien plus tard l’exploration psychanalytique de Sigmund Freud, ces histoires de dieux et de héros révèlent en effet souvent de ce que la pure raison a du mal à expliquer. Elles nous confrontent aux mystères et au sacré, donnent parfois un autre sens à l’existence. Des histoires initiatiques, même si pas toujours exemplaires… A travers un éclectique choix de peintres — de Rembrandt à Klimt, de Watteau à Moreau, de Clouet à Picasso —, Emmanuelle Hénin donne à lire ce que les écrivains les plus singuliers ont décrypté du cosmos comme de notre psyché à travers la tradition mythologique. D’Homère à Racine, de Ronsard à George Sand, Camus ou Gide. Les oeuvres qu’ils en tirèrent effraient ou émerveillent. Troublent. Touchent insidieusement à l’informulable et l’informulé en nous… — Fabienne Pascaud
Ed. Citadelles & Mazenod, 525 p., 199 €.
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