Dictionnaire philosophique

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Dictionnaire philosophique

Rendez-vous à la lettre V, entrée « Vraies gens » : « Il y a des gens faux (parce qu’ils font preuve de duplicité, d’hypocrisie, de mauvaise foi…). Mais avez-vous déjà rencontré de fausses gens ? », demande André Comte-Sponville. Pas sûr, en ­effet, d’en avoir déjà croisé… Mais de faux livres alphabétiques, oui, nous en avons rencontré un certain nombre dans notre vie de critique. Surtout ­depuis cette déferlante éditoriale de dictionnaires offrant parfois le pire, même quand ils se prétendent amoureux. Placé sous les auspices des Dé­finitions d’Alain et du Dictionnaire ­philosophique de Voltaire, celui-ci réserve souvent le meilleur : 1 654 entrées, dont 400 nouvelles, depuis la première édition de 2001. « Vraies gens » en fait partie — « Civilisations (Choc des) », « Développement durable », « Individualisme », « Orgasme », « Visage », aussi.

L’inaugural « Abbé », lui, n’a pas bougé, clin d’œil au libre-penseur des Lumières ; contre la lourdeur de l’Encyc­lopédie de ses confrères Diderot et d’Alembert, Voltaire voulait son ouvrage portatif et piquant. « Je crains moins d’être incomplet qu’ennuyeux. […] Le langage ordinaire, toutes les fois où il suffit, vaut mieux que le jargon », prévient de son côté Comte-Sponville dès l’avant-propos, sans rechigner à se colleter avec la technicité propre à sa discipline : « Hypostasier », « Herméneutique », « Haeccéité », « Heuristique », « Hétéronomie », pour la seule lettre H !

Depuis l’immense succès de son ­Petit Traité des grandes vertus (1995), le philosophe, né en 1952, a fait de la clarté la marque de fabrique de son éthique matérialiste et athée. Il a ­choisi de quitter la Sorbonne en 1998 pour se consacrer exclusivement à ses livres et à ses conférences. Ecrit à la première personne, sagesse kaléidoscopique, ce Dictionnaire philosophique se construit à rebours de tout dogmatisme, loin de tous ceux qui « croient penser le tout ». A la complexité, con­cept phare de son contemporain Edgar Morin, André Comte-Sponville préfère la simplicité. Une « vertu » qui se cons­truit ici par petites touches, avec une pincée de blagues (« Sais-tu quelle différence il y a entre un optimiste et un pessimiste ? — Le pessimiste est un optimiste bien informé »), un zeste d’oppositions (entre solidarité et générosité, par exemple), le sel de brillants essais (« Sens »), un peu d’histoire de la philosophie (« Dialectique du maître et de ­l’esclave », « Continentale (Philosophie) »), une touche de proverbes orientaux (« Quand le sage montre la Lune, l’imbécile regarde le doigt »), quelques mises en garde (« Capitalisme » : « Ne comptons pas sur le marché pour être juste à notre place. Ni sur la justice pour créer des richesses » ; « Bioéthique » : « Elle est moins constituée de nouvelles valeurs que de nouvelles questions ») et quelques ratés (« Cinéma »). Parce que la philosophie rime avec la vie, le mot « chagrin » a pointé le bout de son nez. Mais s’avère trop faible pour dire le deuil, quand le mot « affliction », trop « recherché », ne convient pas non plus : « Les larmes en tiennent lieu. » Séchez vos larmes. Vous serez arrivés à la lettre Z, « Zététique ». La fin du voyage, là « où la philosophie, qui est un certain type de discours, con­duit à la sagesse, qui est une certaine qualité de silence ». Car « ce dont on peut parler, et cela seul, on peut aussi le taire ».

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