Derniers Feux sur Sunset

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Derniers Feux sur Sunset

Francis Scott Fitzgerald est depuis toujours un personnage de roman. Il l’était dans l’Alabama Song de Gilles Leroy, prix Goncourt 2007, dont son épouse, Zelda, était la tragique héroïne. Il l’était déjà en 1950, dix ans à peine après sa mort, sous l’écorce transparente de Manley Halliday, scénariste en souffrance à Hollywood, dans Le Désenchanté, de Budd Schulberg, lequel ne connaissait que trop bien son sujet. Le jeune Schulberg partageait en effet un bureau avec l’écrivain réduit aux basses corvées pour des studios qui lui faisaient peu confiance.

Et c’est le même Fitzgerald des années noires que ranime aujourd’hui Stewart O’Nan, découvert en France avec Des anges dans la neige (1) et Speed Queen. Un Fitzgerald émouvant, perdu pour tous, et aussi pour lui-même, complètement à l’ouest sous un soleil immuable, dans la chaleur sèche de Los Angeles. Une star déchue à des années-lumière de sa gloire scintillante, coupé de Zelda en HP et de leur fille émancipée. Un homme seul, alcoolique, endetté, réduit à l’ordinaire, valsant à contre-temps dans les jardins magiques et les fêtes sublimes de l’âge d’or hollywoodien.

Tout est romanesque dans la vie du romancier. Et notamment ce dernier acte qui, de 1937 à 1940, court jusqu’à l’épuisement et l’infarctus fatal à 44 ans. En exergue à son roman, Stewart O’Nan reprend la fameuse phrase de l’auteur de Gatsby, « Il n’y a pas de deuxième acte dans les vies américaines », pour peindre avec une grande délicatesse un homme qui s’acharne à prouver le contraire. Fitzgerald court après la flamme de tous ceux qu’il a su incarner avec faste, le poète et le mondain, l’amoureux fou et le noceur. O’ Nan fait son miel du décor hollywoodien, de la rude ambiance des studios et du bâtiment des auteurs (rebaptisé « poumon d’acier ») où s’agitent des figures acerbes, Dorothy Parker, Huxley, Bogart et Garbo.

Il parvient surtout à isoler, d’un trait neutre sur ce fond éclatant, l’ombre de celui qui s’efface, lié à jamais au passé qui se défait, se déforme et le hante (magnifiques pages sur Zelda internée). Il dresse le portrait d’un écrivain. Un homme au travail qui s’acharne, dans la discipline, la douleur et la sueur, à traquer ce qu’il y a de grand en lui. Parce que c’est le seul salut : écrire. — Laurent Rigoulet

 

(1) Aujourd’hui réédité dans la collection de semi-poche Replay des éditions de l’Olivier.

 

West of Sunset , traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville, éd. de l’Olivier, 390 p., 23 €.

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