Née à la fin des années 1940, de l’autre côté des mers, dans un territoire qu’on appelait alors l’Indochine, Camille a grandi et vécu avec et en dépit d’une absence — comme un vide inaugural. « Depuis toujours, elle ressasse une détresse, elle porte l’orage d’une vie, elle garde en elle des demandes qu’elle sait interdites. Elle traîne une histoire dont elle ne peut rien dire, ou si peu. » Comme des milliers d’enfants de sa génération, Camille est née de l’union informelle d’un militaire français et d’une Indochinoise. La défaite de Diên Biên Phu, en 1954, la décolonisation et le retour en métropole des troupes françaises ont séparé les deux amants, renvoyé l’homme auprès de sa famille officielle, en France. Où Camille bientôt sera emmenée elle aussi, enlevée à son pays et à sa mère, pour être élevée dans un orphelinat religieux d’Eure-et-Loir. Près d’un demi-siècle plus tard, c’est sur la trace de ce père qui ne l’a pas reconnue, dont sa mère ne lui a jamais révélé le nom, que se lance Camille, aidée dans ses recherches par un militaire en charges des archives de l’armée française… « Son secret, […] il est à la fois son intimité et celui d’autres », écrit Françoise Cloarec à propos de son héroïne. Et c’est précisément dans l’équilibre qu’elle parvient à installer, et à tenir d’un bout à l’autre du livre, entre la singularité du destin et de la personnalité de Camille, et l’expérience collective dont témoigne son parcours, que se manifeste le talent de l’auteur — une sensibilité mêlée de rigueur, le souci presque documentaire de présenter au grand jour une réalité historique en l’incarnant dans des personnages vibrants. — Nathalie Crom
Ed. Phébus 160 p., 15 €.
Commandez le livre De père légalement inconnu