De l’âme

Ajouter un commentaire

De l’âme

Quelle est cette « chère amie » à qui François Cheng adresse sept lettres ici réunies ? L’académicien la présente comme une inconnue croisée dans le métro voilà des années, puis ressurgie par courrier, au soir de sa vie. Une beauté venue d’ailleurs qui l’aurait aimanté dans la foule, avant de lui révéler les rouages de sa pensée altière et profonde. Très cinématographique, la scène permet d’ancrer le lecteur dans une réalité magnétique. Mais, assez vite, le doute s’installe, séduisant, captivant.

Et si l’interlocutrice de François Cheng n’était pas plutôt dans le titre de son livre ? Car c’est bien avec son âme que l’auteur semble dialoguer, et cet entre-soi donne une sensation d’éternité, par la seule grâce de son écriture subtile et aérée, humble et ouverte aux autres. A ce mot qu’il sait ringardisé, emballé sous de nouvelles appellations comme « appareil psychique », « paysage intime » ou « espace intérieur », François Cheng rend toute sa noblesse et toute son innocence.

Il retourne pour cela en des temps anciens : les siens (souvenirs d’enfance en Chine, racontés avec une précision enchanteresse) et d’autres, plus reculés (expériences de Kierkegaard ou de Simone Weil, disséquées avec une minutie partageuse). Refusant de se réfugier « dans l’attitude distanciée qui consiste à faire de l’esprit sur des questions essentielles », fidèle à la douce acuité qui le caractérise depuis toujours, François Cheng cherche seulement à « exprimer la perception d’une richesse et d’un dépassement qu’il serait mortifère de négliger ». Sa dernière lettre est signée « Aum-âme, âme-Aum. Amen ». Beau jeu d’assonances pour clore un livre qui avait commencé avec le mot « amie » et qu’on referme avec la sensation grisante d’avoir trouvé un compagnon pour cheminer à ses côtés. — Marine Landrot

 

Ed. Albin Michel, 160 p., 14 €.

Commandez le livre De l’âme

Laisser une réponse