David Samuels

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David Samuels

En 2001, David Samuels écrit pour le New Yorker l’intrigante saga d’un imposteur de génie, James Hogue, charmeur cambrioleur qui a passé sa vie à bifurquer d’une identité à l’autre. Comme beaucoup de ses confrères américains, le journaliste aurait pu vendre à Hollywood l’histoire rocambolesque de ce type ordinaire du Kansas qui s’est glissé en douce dans les hautes sphères de la société. Il a choisi d’en faire un livre. Dans la tradition très américaine du « journalisme narratif » à laquelle Truman Capote, David Foster Wallace ou Gay Talese ont donné ses lettres de noblesse. Sur les quelque deux cents pages de Mentir à perdre haleine, David Samuels déploie le ­récit d’une traque qui l’a obsédé pendant des années, donnant chair aux personnages mystifiés par l’ombre du faussaire, plantant le décor des villes où il n’a fait que passer, étourdissant ceux qu’il rencontre d’une multitude de récits contradictoires. Dans les montagnes chics de Telluride, James Hogue est coureur de fond, ancien espoir olympique, vit dans une cabane, se présente comme un ancien cascadeur, mais aussi comme cuisinier, diplômé en chimie ou en géologie. Dans le cercle très fermé de l’université de Princeton, il a fait ses études, dans les années 1980, sous le nom d’Alexi ­Indris-Santana, orphelin autodidacte de l’Utah. A chaque fois qu’il se fait prendre, il recommence, reparaît dans une autre peau, parfois au même endroit.

David Samuels prend plaisir à nous égarer dans les arcanes de cette vie plus troublante que bien des constructions littéraires. En fervent partisan du « nouveau journalisme », il écrit à la première personne et se met en scène dans la peau d’un chasseur qui se confond avec sa proie (« Nous avons tous été tentés de refaire notre vie »). Il est fasciné par les vices, les vertus et la nécessité du mensonge qui dévoile des mondes et expose les rouages d’un système hypocrite. Son livre est presque un manifeste pour un genre littéraire qui se pose en lisière du monde réel afin d’en faire surgir les ­innombrables fictions : « Nous pen­-sons que la vérité nous est cachée et que le langage est un mensonge. » — Laurent Rigoulet

 

The Runner, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Louis Armengaud Wurmser, éd. du Sous-sol, 192 p., 19 €.

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