Crépuscule du tourment 2

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Crépuscule du tourment 2

Possession et dépossession. Sexualité et sorcellerie. Royaumes des vivants et des morts. Traversées de toutes les obscurités, transgression de toutes les frontières. C’est à une extravagante et éprouvante odyssée dans une terre africaine rongée par la colonisation et la démission de ses élites que conduit Léonora Miano. Messagère des fantômes et des ombres, prêtresse des puissances omniprésentes de l’au-delà, terrible mais éclatante pythie d’aujourd’hui. Pour le second tome du Crépuscule du tourment (1) , suite à ce quatuor féminin qui évoquait la figure insaisissable d’Amok — mère, épouse, maîtresse et soeur —, la romancière d’origine camerounaise de 44 ans a choisi de plonger au coeur même de l’identité chaotique du fils, époux, amant et frère, héritier d’une noble lignée et longtemps parti à l’étranger pour s’y former.

Quand commence le récit initiatique aux phrases charnues, à la construction jazzy, au rythme parfois incantatoire, Amok, de retour au pays, a laissé pour morte son épouse. Dans la nuit noire, il l’a battue avec sauvagerie. Et a fui. Désespéré. Il se sait l’héritier d’une longue tradition de violences machistes, où les hommes sans fin cognent les épouses. Il a si souvent assisté, enfant — et impuissant —, aux passages à tabac d’une mère qui refusait de se plaindre.

De quelle intériorité effroyable ces massacres sont-ils le symptôme ? Miano n’excuse rien, ne pardonne rien mais interroge le coeur, l’âme, le sexe aussi, des hommes et des femmes. Et son exploration se fait épique, se pare d’une dimension tragique, mythique. C’est qu’elle croise non seulement l’histoire et le destin de l’Afrique ancestrale et moderne, à travers la colonisation, l’indépendance douloureuse, mais les relations extrêmes entre les sexes, les passions, les fusions, les ravages et les exclusions. L’homosexualité féminine comme recours. Léonora Miano raconte avec autant de sidération flamboyante une scène de viol qu’une illumination ou une cérémonie entre esprits. Sa langue, barbare et séductrice, semble brasser secrets et formules magiques. L’écrivain fait traverser les cercles de conscience, à la manière de Dante dans sa Divine Comédie. Et d’orage en crépuscule, amène son personnage à l’aube d’une rédemption. Au moins de réconciliation avec lui-même au travers de ce livre qu’il commence sur un cahier aux côtés d’un fou. L’écriture comme exorcisme et salut. Pour l’auteur comme pour le lecteur. — Fabienne Pascaud

 

(1) Ed. Grasset, 288 p., 19 €.

 

Ed. Grasset, 320 p., 20 €.

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