Crépuscule du tourment

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Crépuscule du tourment

Quatre voix, quatre monologues — qua­tre mélopées ? — d’Africaines d’âges et de milieux divers aux prises avec la famille, le sexe, la douleur, le doute ; la féminité et la féminitude. En lutte, aussi, avec les traces de l’esclavage, du colonialisme, le passé et la modernité tout ensemble de leur continent. Ailleurs, à côté, ignorées, méprisées. Elles tentent de se raconter, de se définir et de se justifier face à l’homme qui les a fuies. Le même homme. Dio. Un symbole. Qu’il soit ici le fils, l’amant, le prétendant éconduit, le frère. Ces quatre femmes souffrantes mais aux âmes puissantes affrontent le même personnage, lâche et velléitaire. Que redoutait donc Dio pour refuser ainsi sa mère, appelée « Madame » comme chez Jean Genet, cette grande héritière et matriarche camerounaise, corsetée dans ses principes ancestraux ? Qu’est-ce qui le faisait désirer, et craindre aussi, la sauvage Amandla, activiste africaniste, dont on suit la mystérieuse et terrible initiation ? Et pourquoi a-t-il ramené d’Europe Ixora, qu’il n’épousera pas ? Pourquoi s’éloigne-t-il encore de sa soeur et du tragique passé qu’elle incarne ? De quels démons intérieurs se préserve Dio, de quelle hérédité masculine effroyable ? Historique, même.

Le dernier roman de la Camerounaise Léonora Miano est ambitieux. Il brasse confusément le politique et l’intime, le destin des femmes africaines trop rarement traité et le sacré, le mythologique, le religieux. Son quatuor, aux sonorités, aux timbres si différents distille une musique âpre et entêtante telle une incantation rituelle. L’auteure nous fait pénétrer dans un cercle féminin entre sorcellerie et sensualité, coups et blessures, secrets et confessions. Les mots s’embrasent, les corps s’abandonnent, les femmes aiment ou haïssent, font peur souvent, envoûtent toujours. Et nous entraînent dans l’obscurité de leur nuit… — Fabienne Pascaud

 

Ed. Grasset, 288 p., 18 €.

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