Comment j’ai mangé mon estomac

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Comment j’ai mangé mon estomac

Les membres de la tribu des Arakawis, laquelle vit cachée dans les forêts équatoriales, tiennent que le siège de l’âme est l’estomac. Après tout, cette théorie en vaut une autre, et Jacques A. Bertrand y acquiesce volontiers — peut-être parce que, tout « délicat et susceptible » que soit cet organe, l’hypothèse selon laquelle il serait le réceptacle de notre souffle vital paraît moins solennelle, moins dramatique que celles du coeur ou du crâne… Or, à la solennité, au drame, nul n’est plus rétif que Jacques A. Bertrand, pour qui la désinvolture, ­l’ironie douce, le raffinement sont plus qu’une posture : une façon d’être et de penser, une phénoménologie.

Mais revenons à cette histoire d’âme et d’estomac qui nous occupe et qui est au coeur du livre de Jacques A. Bertrand. Il se vit un jour annoncer par le gastro-entérologue que l’ulcère endémique dont il souffrait était tout simplement en train de dégénérer en une sorte d’auto-ingestion de l’estomac par lui-même, situation qui se compliqua davantage encore quand fut diagnostiqué un cancer. C’est cette traversée de la maladie — les visites médicales, les diagnostics, l’anesthésie comme un grand trou noir, « un morceau de néant », les séjours au « pavillon des cancéreux »… — que raconte l’écrivain dans Comment j’ai mangé mon estomac, sur le mode ironique, élégant, discrètement grave, intrépide à sa façon, qui est son tempo de prédilection. Ajoutant ainsi un chapitre supplémentaire à l’autoportrait digressif et oblique, comme tracé de biais, que dessinent depuis plus de vingt ans ses romans et ses chroniques. Celui d’un homme doté depuis toujours d’« un naturel dolent dans un monde dolorifère », qui parle sur le même ton de son affection pour la pluie et les dîners sous la lune, de son amour pour Héloïse, de son admiration pour « la fausse innocence des sources et l’impertinence des fleuves », de sa crainte de l’alopécie, de la solitude de l’homme qui va mourir, de son empathie pour les animaux, à l’exception notable du pigeon, trop stupide, « sale et mal coiffé », quoique…

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