Il y a d'abord le paysage, vaste et blanc, hostile et gris à l'infini. Et deux quinze tonnes qui progressent lentement sur les routes de Bosnie, « huis clos roulants », chargés jusqu'à la gueule. Au volant de l'un d'eux, Maud, 21 ans, volontaire humanitaire, aussi déterminée que naïve. Elle est partie de Lyon avec quatre coéquipiers dont les motivations sont diverses, mais elle ne le sait pas encore. Vissé comme un thriller, le récit est dense et sa force tient à l'évolution des personnages que Jean-Christophe Rufin observe au microscope.
Les motivations de ceux qui partent risquer leur vie dans un pays en guerre sont souvent passionnelles et secrètement ambiguës. Que poursuit-on quand on veut aider les autres ? C'est tout le sel de cette histoire, qu'on lit comme on regarde Le Salaire de la peur, le fameux film d'Henri-Georges Clouzot, qui l'inspire à l'évidence.
Au bout du compte, c'est une réflexion sur l'humanitaire que livre l'auteur, pionnier de Médecins sans frontières. Jusqu'où la neutralité est-elle possible ? A quoi rime d'apporter médicaments et couvertures quand on se retrouve face à l'horreur d'un charnier ? Le roman se passe en Bosnie, en 1995. Les questions qu'il soulève valent pour aujourd'hui, en Ukraine, en Syrie ou en Libye. Rufin l'a fait précéder de cet exergue signé Samuel Colt : « Dieu a créé des hommes forts et des hommes faibles. Je les ai rendus égaux. »
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