Calavera

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Calavera

Avec ce dernier volet d’un triptyque qui fera date, le mystère planant sur l’irrépressible mal-être de Doug est élucidé. Mais tout aussi irrépressible est l’envie de revoir illico, dans les deux premiers épisodes (Toxic et La Ruche), comment Charles Burns a mis en place son puzzle. Comment, empruntant des passages dérobés, au propre comme au figuré, il a aspiré son héros vers une « interzone » (notion chère à Burroughs, figure tutélaire de ce récit) où la réalité se dissout à tout moment dans un mauvais rêve — ou une hallucination ? Comme Doug, Burns fut étudiant en art dans les années 1970, il écoutait de la musique punk et se livrait à des performances poétiques (1) . Simple tremplin autobiographique pour une plongée dans l’inconscient du personnage : « Si tu pouvais voir ce qui se passe dans ma tête », lâche-t-il, énigmatique, à sa petite amie.

Sa tête, nous y sommes, quand Doug devient, dans un espace-temps parallèle, un ado filiforme à houppette brune, un Tintin atone pris dans les remous d’une errance sans but où d’agressives créatures à tête de lézard vert le malmènent sans rime ni raison. Et si, pourtant, la réalité n’était pas moins horrifique et cruelle que cet outremonde ? C’est l’interrogation qui sous-tend le foisonnement des signes et des symboles, les rimes et les ricochets millimétrés entre le passé et le présent, au fil d’une « ligne claire » revisitée, habilement dramatisée pour mieux enraciner le malaise ambiant. Un malaise que l’auteur de Black Hole, son précédent chef-d’oeuvre, décline, au choix, dans le saisissant staccato des images qui suggèrent sans montrer, ou l’obsédante répétition des flashs mémoriels qui montrent sans entamer le secret caché : c’est toute la puissance évocatrice d’un art graphique d’une incomparable maîtrise. — Jean-Claude Loiseau

 

(1) Voir la bédéthèque idéale sur Télérama.fr.

 

Sugar Skull, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par J.-L. Capron, Barbara et Emilie Le Hin Ed. Cornélius 64 p., 21,50 €.

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