Béton armé

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Béton armé

« Tous les hommes sont malades. La douleur est une langue commune », écrit Philippe Rahmy, presque au seuil encore de ce récit tranchant, poignant presque malgré lui. Etrange objet littéraire, qui mêle impressions de voyage — à Shanghai, mégapole verticale, ville affairée et bruyante, « symbole incandescent d’humanité » —, récit autobiographique et méditation à vif sur le corps souffrant, la maladie comme métaphore d’une condition humaine précaire et inquiète.

La douleur et l’insécurité, Philippe Rahmy en a une expérience singulière : atteint de la maladie des os de verre, « né sans espoir de guérison », son corps est un bloc de souffrance, en alerte permanente. Loin de lui la tentation de se plaindre. Il dit simplement le regard particulier qu’on pose sur le monde lorsqu’on s’y plonge alors qu’on est dans cet état d’incertitude et de fragilité qui est le sien. Il note : « Libéré du ventre maternel, l’enfant croit mourir. On l’expulse du paradis […]. Chacun de nous porte trace de la chute, enterrée quelque part dans la mémoire, pas même un souvenir, à peine une ombre, matrice de toutes nos plaintes. Mais pour celui qui naît malade, couvert de blessures permanentes, la douleur ne prend jamais fin. Elle durera aussi longtemps qu’il vivra, si bien qu’il n’en finira pas de naître. »

Il y a du désir, de l’anxiété, de la rage, une forme de témérité lucide et âpre, dans la posture de cet homme qui livre son corps hautement cassable au flux et au reflux urbains. Sa mémoire, habitée par la douleur, c’est avec la même vraie hardiesse frontale qu’il s’y plonge. Trouvant les mots les plus précis, le ton le plus juste, pour dire ces confrontations multiples — avec le dehors, avec son enfance et ses démons intérieurs, avec ses peurs et ses entraves —, Philippe Rahmy en tire une morale non conformiste, une leçon de savoir-vivre au sens le plus littéral, le plus digne du terme, et qui ne vaut pas pour lui seul. — Nathalie Crom

 

Ed. La Table ronde 204 p., 17 €.

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