Aventures sur une île déserte

Ajouter un commentaire

Aventures sur une île déserte

Y a-t-il une tradition polonaise du récit à tiroirs ? Après la lecture d’Aventures sur une île déserte, on serait tenté de répondre oui. Jamais, en effet, depuis Manuscrit trouvé à Saragosse, de Jan Potocki, on n’avait vu une telle accumulation d’histoires au sein d’un même ouvrage. S’il existe bien une in­trigue principale — le narrateur embarque sur un paquebot qui fait naufrage et se retrouve sur une île pas tout à fait déserte… —, elle n’a que peu d’importance. Seuls comptent les rêves, souvenirs et anecdotes des nombreux personnages qui s’invitent dans cette gigantesque partie de cache-cache. Tous racontent de courts récits bizarres, pleins de monstres, d’infirmités, de visions insolites. Et, comme dans un jeu de miroirs, chaque récit ouvre sur une infinité d’autres.

Emule du surréalisme, Maciej Sienczyk cherche à tout instant à déstabiliser ses lecteurs, à les faire tré­bucher et à provoquer ce que Raymond Roussel appelait le « frisson », cette impression fugace mais bluffante que soudain le sol se dérobe. Et le bougre est doué. Si beaucoup de dessinateurs prétendent aux images obsédantes, peu parviennent à les produire. Sien­czyk a cette grâce. On ne sent jamais chez lui la volonté d’étonner, le détail en trop, la sueur. Il y a là la patte d’un inventeur de mondes, d’un auteur littéraire. Et son dessin un peu raide, apparemment simpliste, cache une bonne dose de malice. Propres sur eux, comme sortis d’une toile de Glen Baxter, ses personnages ont tous un physique mou, des positions étranges, tordues, quelque chose de délibérément asymétrique qui chiffonne l’oeil. Ni roman graphique, ni bande dessinée, ni livre illustré, Aventures sur une île déserte crée chez le lecteur autant de malaise que d’envie de tourner la page. Une impression rare. — Stéphane Jarno

 

Ed. Ici Même, 144 p., 24 €.

Commandez le livre Aventures sur une île déserte

Laisser une réponse