Avant que tout se brise

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Avant que tout se brise

Le plus impressionnant, dans ce livre glaçant, ce sont les corps des jeunes gymnastes. Celui de Devon, en particulier, l’héroïne de l’histoire, la meilleure de toutes, la graine de championne, l’espoir de sa famille et de la petite ville des Etats-Unis où elle habite. Un corps de marbre, chaque jour entraîné, forcé, contrôlé, de plus en plus dur. Un corps d’adolescente stoppé dans sa transformation, « un tronc sans hanches, posé sur des cuisses semblables à des poutres en chêne ». La puissance de ce nouveau roman de Megan Abbott tient dans le spectacle de ce corps sacrifié, entièrement tendu vers la réalisation d’un rêve en forme de cauchemar : se hisser au plus haut. A l’opposé, il y a Ryan, beau jeune homme, rayonnant et sexy, vers lequel convergent tous les regards, des filles comme de leurs mères. Ryan bientôt écrasé par une voiture, sacrifié lui aussi. Megan Abbott joue de tous ces éléments avec autant de force que de subtilité. Les doutes sur la mort de Ryan, accident ou meurtre. L’énergie sexuelle qui électrise le livre. La ­violence des rapports de séduction et de domination. Les poussées d’hormones, de désirs et d’ambition. L’ambi­guïté toxique de l’ensemble, très vite ­irrespirable.

Mais la meilleure idée est d’avoir adopté le point de vue de la mère de Devon, bienveillante et implacable, lucide et emportée par la folie collective, jusqu’au moment où elle vient à douter… Avant que tout se brise dit avec ­autant de finesse que de brutalité le sac de noeuds des rapports d’amour et de pouvoir au sein de la famille, la folie de nos sociétés tendues vers la compétition et l’exaltation de la réussite individuelle. C’est un formidable thriller psychologique. Et une impeccable tragédie. — Michel Abescat

 

You will know me, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, éd. du Masque, 336 p., 20,90 €.

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