Au pays du p’tit

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Au pays du p’tit

De quoi s'agit-il sinon du portrait acéré d'un jeune vieux con de 44 ans ? Hanté par le temps qui passe, le sentiment d'être bientôt hors course dans une société dont le coeur battant a, selon lui, entre 26 et 28 ans, l'âge cible de Facebook, du TGV ou des boîtes de nuit, Romain Ruyssen, sociologue, compense la haine de soi par celle de ses semblables, les Français, « un peuple exceptionnellement conservateur, frileux, paresseux, infantile, hys­térique, individualiste, arrogant et ­égoïste ». L'argument léger comme un soc de charrue, il laboure sa rancoeur de colloques en émissions de radio, défendant avec vaillance un essai à la truelle, Au pays du p'tit. La France évidemment, gâtée par les Trente Glorieuses et l'Etat-providence, réduite au ricanement général et aux plaisirs étriqués, « un p'tit resto, un p'tit ciné, un p'tit week-end ».

On rit beaucoup. Nicolas Fargues, fidèle à ses obsessions — l'étroitesse française et la lâcheté masculine —, n'a rien perdu de sa verve, ni de sa cruauté. Mais on rit jaune aussi, car la charge est féroce et, sous la caricature, frappe souvent juste. Et l'on souffre, enfin, enfermé deux cent trente pages durant dans la peau de ce garçon arrogant et fat, profitant de ses voyages promotionnels pour se rassurer sur sa virilité et sa capacité à séduire encore les jeunes femmes. Le regard clinique et impitoyable, la plume sèche, son créateur ne l'épargne guère, aussi méchant avec lui qu'il peut l'être lui-même avec ses proies. L'ironie l'emporte, au bout du compte, le héros se révélant tellement « français », sûr de lui, péremptoire, mesquin. Et si doué pour l'autodénigrement. — Michel Abescat

 

Ed. P.O.L, 240 p., 16 €.

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