Au coeur des ténèbres

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Au coeur des ténèbres

A la fin du xixe siècle, un jeune homme, Charles Marlow, part en expédition sur le fleuve Congo pour rejoindre un de ces comptoirs coloniaux semés au plus profond de la jungle africaine. En chemin, il prend de plein fouet la réalité, les populations réduites en quasi-esclavage, le trafic de l’ivoire à grande échelle et l’abyssale médiocrité des Blancs, cyniques, cruels, grotesques. Mais, bientôt, devient obsessionnelle l’image d’un homme, Kurtz, une figure mystérieuse, mythique, que Marlow n’aura de cesse de rencontrer. C’est évidemment la quête de cet inconnu-là qui le révélera à lui-même, par-delà les frontières – ô combien – floues entre le bien et le mal…

En abordant l’aventure de Charles Marlow, son vrai-faux double réinventé en héros dérouté d’un conte crépusculaire, Joseph Conrad fixait l’enjeu, vertigineux : elle devrait être « dotée d’une résonance sinistre, d’une tonalité propre, d’une vibration prolongée qui resterait suspendue dans l’air et demeurerait dans l’oreille après que la dernière note eut été frappée » (1) . Tailler sa voie propre dans un tel roman, cette expérience qui « nous met à l’extrême bord du réel, penchés sur l’abîme », pour affronter les écueils d’un pseudo-réalisme à forte charge symbolique, c’était tenter une adaptation à haut risque. Les auteurs relèvent le défi sans faux pas. Soucieux de restituer les vibrations d’un texte à la fois dense et fluide, ils osent une abondante voix off, véritable respiration du récit, au risque, assumé, de raccourcis inévitables. Et ils apprivoisent l’indicible, à travers le dessin expressionniste de Loïc Godart, transposition tour à tour crue et atmosphérique du flottement cauchemardesque où s’enfonce Marlow. Il n’est pas fréquent que les chefs-d’œuvre de la littérature soient aussi intelligemment servis par la bande dessinée.

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