Après minuit

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Après minuit

Elle s’appelle Suzon, elle ressemble à toutes les jeunes filles qui rêvent d’amour. Elle rit avec ses amies, adore son frère, un jeune écrivain maudit, et boit un peu trop dans les soirées. Mais Suzon vit à Francfort et, en cette année 1936, lorsqu’elle rentre le soir, elle croise une foule docile, fiévreuse et tétanisée qui se presse pour applaudir le Führer. Suzon, comme les autres, suit « la Doctrine », mais elle observe, avec une acuité ironique, l’empreinte du nazisme sur sa famille, ses proches et la population. Lorsqu’elle suggère que Hitler transpire pendant ses discours, on considère Suzon comme un monstre, une pestiférée, un danger social.

Il n’y a pas de grandes phrases, dans ce roman d’Irmgard Keun (1905-1982), mais une succession fascinante d’anecdotes quotidiennes, de minuscules délations, de disparitions étranges, formant une nasse dans laquelle chacun est un prisonnier volontaire. « La dictature a fait de l’Allemagne un pays parfait », s’exclame-t-on, et, dans les brasseries, tout le monde tend le bras, chante un hymne et boit à la santé du maître. Après minuit est un roman sur la lâcheté de ceux qui trouvent dans la dénonciation de leurs voisins une façon d’obtenir une meilleure place. Suzon n’est pas une héroïne, elle décrit cette banalisation du mal qu’elle contemple au ras du bitume. Née à Berlin, la romancière Irmgard Keun fut contrainte à l’exil. Elle voyagea alors avec son amant, Joseph Roth, avant de revenir clandestinement en Allemagne en 1939, en faisant croire à son suicide pour vivre cachée sous une fausse identité à Cologne, avant d’être oubliée. De sa bibliographie, Après minuit est le livre essentiel, un roman clairvoyant et cauchemardesque où l’on éclate de rire, glacé d’effroi.

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