Après le silence

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Après le silence

Ce livre est une sorte de tombeau de la classe ouvrière. Un hommage bouleversant au père, Louis Catella, entré à l’usine à 16 ans, mort à 43, le 16 juillet 1974, écrasé par une meule de plusieurs tonnes, le crochet défaillant du pont roulant ayant fini par céder. Et un cri de révolte, de libération du poids écrasant de cette figure paternelle, héros du travail, ouvrier exemplaire, militant syndical, membre du Parti. Le fils, tout jeune à l’époque — il n’avait que 7 ans —, le dernier de trois frères, fait parler son père, lui prête des mots qu’il n’aurait peut-être jamais prononcés, le fait parler après sa mort, puis prend la parole à son tour, dialoguant avec le père, avant de se substituer à lui, s’affirmant enfin — « Je ne suis pas ouvrier et je t’emmerde ». Il a fait des études, est propriétaire de sa maison, et a même, une fois, voté à droite. Brillant, sensible, violent, le texte fait entendre le chaos des sentiments et, pêle-mêle, la beauté de la geste ouvrière, la fierté d’une culture, la crasse et la brûlure d’un travail harassant, la fournaise de la fonderie, les corps prématurément usés. Et la cupidité patronale. Il dit, dans la bousculade des phrases, la vie chiche et contrainte, les vacances emportées de haute lutte à force d’économies, la 2 CV, les trois enfants serrés à l’arrière et la bagarre pour ne pas être au milieu à cause de « la barre qui vous rentre dans le cul ». Après le silence qui a suivi la mort du père, le fils s’est enfin délivré du poids de la mémoire. Il ose afficher la honte et la fierté à jamais imbriquées. Premier roman d’une puissance singulière, Après le silence est un livre d’amour, profondément marquant. Tout simplement magnifique. — Michel Abescat

 

Ed. Liana Levi, 224 p., 18 €.

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