Amant sans adresse : Correspondance 1942-1992

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Amant sans adresse : Correspondance 1942-1992

Elle le vouvoie, il la tutoie. Elle le supplie : « P.-S. : Si vous avez envie de m’embrasser tendrement, n’oubliez pas de me l’écrire parce que cela me ferait énormément plaisir… », il lui répond sèchement par retour de courrier : « Mes cordiales amitiés à tous. » Elle, c’est Muli, lui c’est Pio. Ils s’aiment, et la traversée durera cinquante années, mais ils ne seront pas assis du même côté de la barque. Pour la maîtresse, Marie-Louise von Motesiczky, peintre issue d’une famille d’intellectuels juifs, cela tanguera souvent. Pour l’amant, Elias Canetti, Prix Nobel de littérature, capitaine rivé au gouvernail, le trajet sera plus tranquille. En apparence. Leur correspondance est un jeu passionnant de vases communicants, où se pratique en sourdine une inversion des rôles que l’on pourrait appeler compassion. Si la suffisance, la cruauté, la mesquinerie parfois d’Elias Canetti s’expriment en des termes tour à tour cinglants ou chantournés, plus le temps passe, plus son souci d’accompagner l’épanouissement de sa maîtresse se fait délicat et pressant.

Cet homme prodigue des paroles tellement intelligentes que, même au plus profond du chagrin, Muli ne peut que s’y raccrocher : « Je voudrais te mettre en garde contre une demande excessive de vérité. La vérité réelle est toujours terrible, et l’on est bien avisé de ne s’en approcher que dans des moments exceptionnels. Une vérité, une seule, est comme une révolution, puissante et destructrice », la sermonne-t-il, après qu’elle l’a traité de menteur. Ses lettres le contredisent. Elias Canetti est aussi capable de susurrer des vérités constructrices, dès qu’il s’agit de la peinture de Muli, qu’il tient pour majeure, et dont il a besoin de se nourrir. Chacune de ses injonctions à reprendre le pinceau sonne comme une décharge électrique qui remet l’artiste sur les rails de la création.

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