Academy Street

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Academy Street

Elle n'a guère de chance, la modeste héroïne du premier roman de Mary Costello. Dès ses 7 ans, dernière d'une fratrie de six, Tess perd sa mère, qui meurt de tuberculose à 40 ans. Elle en perd aussi les mots. Incapable soudain de dire. Attendant juste follement que sa mère revienne à la ferme, devenue silencieuse sous la férule d'un père ­ravagé de chagrin. La soeur aînée part à New York. C'est le début des années 1960, Tess la rejoint ; devient infirmière ; s'éprend du brillant cousin de sa colocataire. Une unique et fugitive nuit d'étreinte, et la voilà enceinte de ce premier amant qu'elle ne verra plus jamais. Reniée par sa famille, la mère célibataire élève seule son fils dans le petit appartement d'Academy Street, au coeur d'une ville qui au moins ne la juge pas. La vie s'écoule, ponctuée par l'amitié avec Willa, la généreuse voisine noire, l'assassinat de John Kennedy, l'enlèvement de Patricia Hearst, les attentats du 11 Septembre.

En même temps qu'elle fait défiler en sourdine l'histoire des Etats-Unis, Mary Costello raconte une vie tragique par son absence d'histoires. Et de joies. Mais sans mélodrame. Ou alors accepté. Le fils reproche à sa mère d'être craintive quand il aurait eu besoin qu'elle soit forte. Tess a fait ce qu'elle pouvait, coœur simple abandonné à l'infinie solitude d'un monde indifférent. Elle ne se révolte pas, mais trouve peu à peu salut et paix dans les livres, la prière de la lecture. Hommage à la littérature et à ses baumes secrets ? Pas seulement. L'Irlandaise Mary Costello réussit ici le portrait délicat d'une femme sans importance. Mais qui rayonne par son courage résigné, sa dignité d'être quand même. Il y a énormément de sensibilité étouffée, de sensualité cachée, d'intuitions inutiles dans cette existence au ras des souvenirs, des lumières, des phrases. Qui refuse l'envol de crainte de tomber de plus haut. Avec ses situations en miettes, ses amours avortées, Mary Costello dessine un bouleversant antidestin. Et le venge et le magnifie par la seule grâce de son écriture si près des choses et de la matière.

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