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Pasolini semble sortir, telle une pietà, des murs de la ville italienne. En blouson de cuir, il porte ici son propre cadavre, supplicié sur une plage d’Ostie le 2 novembre 1975. Il avait 53 ans. Qu’avez-vous fait de mon assassinat ? semble-t-il doucement demander, par-delà la mort. Qu’avez-vous fait de mon martyre ? N’avons-nous pas trop oublié, en effet, ce témoin visionnaire des dérives mortelles du capitalisme et de la société de consommation ? N’avons-nous pas trop oublié ce chantre de la libération sexuelle mais défenseur – au nom du respect de l’homme – des fraternelles valeurs du christianisme et du marxisme mêlés ?

Il a pourtant beaucoup à nous dire, le cinéaste, homme de théâtre et romancier, qui conjuguait avec fièvre contradictions et tensions, profondément engagé dans son temps, sans hésiter à vanter la « force révolutionnaire du passé »… Tels sont bien les paradoxes auxquels nous confronte le douloureux et généreux portrait d’outre-tombe, collé à même les façades de Rome, d’Ostie et de Naples par le peintre Ernest Pignon-Ernest. A 73 ans, celui-ci se sent frère d’âme et d’armes du réalisateur incendiaire de Théorème et de Salo, de ses révoltes et de ses tourments, de ses espérances désespérées. En témoigne le poignant ouvrage qu’il vient de lui offrir en hommage (1) ; le prouve aussi la soirée qu’Ernest Pignon-Ernest organise au Théâtre du Rond-Point avec Jean-Michel Ribes et René de Ceccatty en l’honneur du poète sacrifié (2) … A 23 ans seulement, Pierre Adrian est, lui, l’auteur sensible d’un pèlerinage fervent et mélancolique sur les traces de Pasolini à travers l’Italie (3) . Ce road-movie littéraire s’accompagnera avantageusement de la lecture d’un scénario inédit, oublié, du cinéaste, La Nébuleuse (4) . On y assiste à la lente descente aux enfers d’une bande de ragazzi à peu près du même âge, dans le Milan des années 1960. De ces mauvais garçons qu’aimait tant Pasolini, de ceux qui l’ont peut-être tué aussi… — Fabienne Pascaud

 

(1) Dans la lumière déchirante de la mer, Pasolini assassiné, d’André Velter et Karin Espinosa, éd. Actes Sud, 80 p., 25 €.

(2) Pasolini nous sommes tous en danger ! Lundi 2 novembre, 20 h.

(3) La Piste Pasolini, de Pierre Adrian, éd. Equateurs littérature 192 p., 14 €.

(4) La Nébuleuse, de Pier Paolo Pasolini, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, éd. Grasset, 252 p., 19 €.

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