33 Jours

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33 Jours

C’est une singulière histoire de va-et-vient entre amis et manuscrits. A l’automne 1940, Antoine de Saint-Exupéry rend visite à son ami Léon Werth, journaliste et écrivain juif, réfugié à Saint-Amour, dans le Jura. Il repartira avec le manuscrit de 33 Jours, qu’il confiera, une fois arrivé aux Etats-Unis, à l’éditeur Brentano’s, qui l’achètera mais ne le publiera jamais. Un an auparavant, Léon Werth avait emporté avec lui, comme un trésor, Terre des hommes, de Saint-Exupéry : « Parce que Saint-Exupéry y a écrit, de son aérienne écriture, quelques mots où mon amitié comme à une source se désaltère, quelques mots dont je serais fier si l’amitié n’était au-dessus de l’orgueil. » Léon Werth, Saint-Exupéry en parle souvent : c’est à lui que Le Petit Prince est dédié, c’est encore pour lui que Saint-Ex écrit Lettre à un ami. En 2014, un éditeur new-yorkais émerveillé par 33 Jours le publie et retrouve, dans une bibliothèque du Québec, la préface inédite que Saint-Ex avait écrite pour ce texte. Publiée aujourd’hui, cette préface retrouve son livre. Et les deux amis sont enfin réunis.

33 Jours ? C’est le récit qu’écrit Léon Werth du périple qui l’a mené de Paris, quitté le 11 juin 1940, à sa maison de Saint-Amour, qu’il ne rejoint que le 13 juillet. Trente-trois jours d’exode sur les routes de France, mitraillées par les Allemands — « la symphonie en tac » —, encombrées par des milliers de voitures surchargées de valises et de matelas. Werth note tout : le courage et l’hospitalité de certains, la veulerie des autres devant les uniformes allemands. Plus fort que toutes les images que l’on connaît de cette période tragique, ce texte est un reportage plein de ces mots jetés dans la peur ou la colère par les otages de l’exode, et de ces lueurs d’incendie que l’on voit au loin et qui témoignent que la guerre n’en est encore qu’à ses débuts. Avec sa femme, son fils et la nounou de celui-ci, Werth est dans sa Bugatti « trois litres de 1932 », qui tousse dans les embouteillages et sera finalement tirée par un attelage de chevaux. Il croise des fantassins français qui se traînent comme « des ombres débraillées » et des soldats allemands qui se comportent déjà en maîtres.

Il restera caché pendant quatre ans à Saint-Amour et y écrira Déposition, son journal, dont l’historien Lucien Febvre fera l’éloge dans les Annales en 1948. — Gilles Heuré

 

Ed. Viviane Hamy, 164 p., 15 €.

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