24-7. Le Capitalisme à l’assaut du sommeil

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24-7. Le Capitalisme à l’assaut du sommeil

Pourrons-nous un jour Commander du temps de sommeil ? Et nos rêves seront-ils alors interrompus par des publicités ? Idée-force d’Inception, film de Christopher Nolan sorti en 2010, le rapport entre sommeil et capitalisme est au coeur du nouveau livre de l’Américain Jonathan Crary, nourri d’exemples artistiques et philosophiques, souvent français (Deleuze, Godard, Debord, Stiegler). Un essai bref, à la trajectoire percutante, qui s’ouvre d’ailleurs sur la précision d’un vol d’oiseau : celui du bruant à gorge blanche, ayant l’extraordinaire capacité de rester éveillé sept jours d’affilée en période de migration. La créature est étudiée de près par le département de la Défense américaine : « On voudrait des gens capables de se passer de sommeil et de rester productifs et efficaces. Le but, en bref, est de créer un soldat qui ne dorme pas », résume Crary. Or, selon l’auteur, nous serions tous de bons petits soldats, mis au pas par un capitalisme global qui a presque tout colonisé sur son passage, grâce à la puissance de son tempo : le 24/7 – vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Le mot d’ordre implacable d’une vie sans pause.

Rivés à leurs écrans lumineux, qui les rendent corvéables de jour comme de nuit, offrant en pâture leurs secrets à l’ogre Facebook, les individus modernes ne savent plus où ne pas donner de la tête : « On accumule un patchwork d’identités de substitution qui vit sa vie en continu 24/7, qui ne dort jamais, et qui apparaît comme une contrefaçon inanimée de nous-mêmes plutôt que comme une extension du soi. » Sans cesse sollicités par cette nouvelle « économie de l’attention », les individus aux yeux cernés ricanent bien quand on leur rappelle le vieil adage selon lequel on passerait un tiers de sa vie à dormir ! Les huit heures de rigueur se sont réduites à six. Si le sommeil en a pris un sacré coup (et si l’industrie des somnifères se porte bien…), il demeure pourtant, pour Crary, le plus grand affront, insolent bastion de résistance à la « voracité » du capitalisme : difficile, en effet, d’attribuer une valeur au sommeil, alors que « la plupart des nécessités apparemment irréductibles de la vie humaine – la faim, la soif, le désir sexuel et, récemment, le besoin d’amitié – ont été converties en formes marchandes ou financiarisées ». Que tous ceux qui aiment la rêverie, les interstices et les temps d’arrêt se réfugient sans tarder dans les bras de Morphée !

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