Une mort qui en vaut la peine

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Une mort qui en vaut la peine

Donald Ray Pollock puise son inspiration au coin de sa vie, ses trente années à l’usine et le quotidien de ses voisins, pour composer des livres qui sentent la boue, la sueur et le sang. Il y a du Faulkner mâtiné de Harry Crews chez cet homme dont la famille ne possédait que la Bible. A plus de 50 ans, il obtient une bourse, payée par son usine, pour entamer des études à l’université de l’Ohio et commence à écrire ses premiers textes. La légende est aussi belle que ses livres sont noirs : un recueil de nouvelles en 2008 (Knockemstiff, du nom de son village natal), un premier roman en 2011 (Le Diable tout le temps), aujourd’hui un second, sauvage et halluciné, Une mort qui en vaut la peine. Nous sommes en 1917, à la veille de l’entrée en guerre des Etats-Unis et à l’aube des temps modernes qui vont transformer le paysage américain. Le vieux Jewett et ses trois fils survivent à peine comme ouvriers agricoles et n’ont que la foi et des promesses de paradis pour croire aux lendemains qui chantent. Quand le père meurt, les garçons décident d’en finir avec la misère et de devenir braqueurs de banque. Mais nous ne sommes pas dans un western avec John Wayne, plutôt sur les traces d’une horde sauvage menée par le diable… Sur la route, entre Géorgie et Alabama, on croise un couple de petits Blancs naïfs plumés par un arnaqueur, un « nettoyeur d’installations sanitaires », des prostituées qui en ont pris leur parti, un barman terrifiant et des lieutenants de l’armée qui ne rassurent personne. L’auteur ne se con­tente pas de peindre une société fangeuse, de jouer les Tarantino adeptes de l’excès de zèle. Il décrit avec un mélange de lyrisme, d’humour et de déchirement un pays en route vers la mécanisation, des ouvriers exploités jusqu’à la mort, un progrès en marche qui laissera les plus candides sur le marchepied. Comme il a finalement un soupçon de sensibilité, le romancier accorde une faible lumière à ce monde de brutes — comme dans un tableau de Jérôme Bosch. — Christine Ferniot

 

The Heavenly Table, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard, éd. Albin Michel, 576 p., 22,90 €.

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