Le Monde des hommes. Buru Quartet, I

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Le Monde des hommes. Buru Quartet, I

Chef-d’oeuvre de la littérature mondiale, Buru Quartet, la fresque historique en quatre tomes de l’Indonésien Pramoedya Ananta Toer (1925-2006), dépeint les Indes néerlandaises à la fin du XIXe siècle. Cette saga est doublement romanesque : à la fois par le ­destin tumultueux du personnage principal, Minke, et par les conditions singulières dans lesquelles elle a été composée. Détenu entre 1965 et 1979 pour allégeance au communisme, c’est en prison que Pramoedya Ananta Toer l’imagine, la racontant à ses codétenus du pénitencier de l’île de Buru, à Java. Quand il obtient du papier, il fixe le texte. Mais le Buru Quartet restera interdit en Indonésie jusqu’à la fin du régime du dictateur Suharto, en 1998.Premier tome de la tétralogie, Le Monde des hommes (1) s’ouvre sur une note du narrateur, Minke. Dissimulant son vrai nom, il adopte ce sobriquet, contraction du mot monkey, « singe » en anglais, qu’un de ses professeurs lui avait lancé. Minke, l’indigène, achève ses études dans la très élitiste HBS, un établissement réservé aux Européens et aux enfants métis. Il se passionne pour les enseignements de ses professeurs venus des Pays-Bas. Au point d’en oublier son identité indonésienne. Un reproche récurrent que lui font ses proches. Minke devient journaliste. Ses articles séduisent les lecteurs mais, écrits en néerlandais, ils sont inaccessibles à ses compatriotes. Doit-il écrire en malais ? Ou être fidèle à la langue des dominants ? Tout ensemble arrogant et naïf, écartelé surtout entre son respect pour les savoirs venus d’Occident et le joug imposé à son peuple par ceux-là mêmes qui portent haut les idéaux de la dignité humaine, Minke découvre la complexité et les chausse-trapes du monde des hommes. Au fil du roman, il prend de l’étoffe, tel un héros amené à accomplir des prouesses, aiguillonné notamment par un peintre français, et par Ontosoroh, concubine d’un colon et mère de la jeune fille dont Minke est éperdument amoureux…

L’influence des romanciers français du xixe siècle et le legs idéologique de la Révolution française imprègnent le texte de Pramoedya qui, fervent con­tempteur du colonialisme, dénonce les compromissions de l’élite indonésienne. En véritable maître du suspense, l’écrivain achève le premier opus à un tournant du drame.

Le deuxième volume, Enfant de toutes les nations, vient de sortir. On se précipite… — Christine Chaumeau

 

(1) Ce premier volet a été traduit par Michèle Albaret-Maatsch en 2001 chez Rivages.

 

Traduit de l’indonésien par Dominique Vitalyos, d’après la traduction initiale de Michèle Albaret-Maatsch, éd. Zulma, 500 p., 24,50 €. Les tomes 3 et 4 paraîtront lors du second semestre 2018.

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