Ils sont dix-sept à prendre successivement la parole – dix-huit, en réalité, si l'on joint à la liste l'ultime narrateur de ce roman polyphonique, l'auteur lui-même, Philippe Trétiack, dont les quelque trente ans à exercer la profession de grand reporter donnent à ce beau texte toute sa substance. Il ne s'agit cependant pas d'un livre de journaliste. Certes, Trétiack les a sûrement rencontrés, ces hommes et ces femmes, à Cuba, à New York ou dans les territoires de l'Est de l'Europe livrés à la déshérence post-soviétique. Mais s'ils parlent d'eux-mêmes, sur deux pages ou sur vingt, à la première personne, ils livrent aussi l'impression que leur laisse ce journaliste venu de Paris, c'est-à-dire d'une autre planète, qui les interroge, s'attache à les entendre et les comprendre – mais le peut-il vraiment ? Au terme de ces passionnants monologues, imaginaires mais si incarnés, les doutes de l'auteur trouvent à s'ancrer dans sa propre biographie. Le roman prend alors une teinte nouvelle, gagne en gravité, en âpreté, en refus radical de toute complaisance – et l'incertitude, qui en est le motif central, occupe dès lors tout l'espace.
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