Carnets de thèse

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Carnets de thèse

Secrétaire-cerbère avachie et néanmoins incontournable du département des thèses à la Sorbonne, Brigitte Claude semble s’être attribué une mission : dissuader les doctorants nouvellement admis dans le saint des saints d’aller plus loin. « Faut être vraiment sûre, hein, parce que 60 % des gens abandonnent leur thèse en littérature… Faudra pas dire que personne vous avait prévenue, faudra pas dire j’ai plus d’argent, et j’ai perdu tous mes amis, hein… » Brigitte n’est qu’un second rôle dans l’histoire, mais elle parle d’expérience. Le destin de l’héroïne, Jeanne Dargan, est tracé : de l’exaltation à la détresse, en passant par tous les stades du doute et de l’autodénigrement, sans oublier l’incompréhension de sa famille et la lassitude de son petit ami, il lui faudra cinq longues années pour venir à bout de son sujet de recherche, « Le motif labyrinthique dans la parabole de la loi du Procès de Kafka ».

Tiphaine Rivière a vécu cette épreuve-là, mais l’a abandonnée en cours de route avant de la faire revivre dans un blog dessiné intitulé « Le bureau 14 de la Sorbonne ». Elle la prolonge aujourd’hui dans une comédie satirique conjuguant d’un trait léger, mais ajusté à la cible, une ironie roborative vis-à-vis du milieu académique et une autodérision bien tempérée à travers les déboires de Jeanne, son double de fiction plus ou moins décalé. A la recherche de ce temps fina­lement pas si perdu que ça, elle a mis au jour les règles absurdes de la bureaucratie universitaire, les mesqui­neries et les rivalités dérisoires, le narcissisme de mandarins inaccessibles (avec le directeur de thèse de Jeanne comme archétype…). Un tableau parfois drôlement cruel, souvent plus vrai que nature : avec sa première bande dessinée, Tiphaine Rivière a trouvé sa voie. — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. du Seuil, 180 p., 19,90 €.

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