Vision de Jackie Kennedy au jardin Galliera

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Vision de Jackie Kennedy au jardin Galliera

Imaginez Jackie Kennedy, peu après l’assassinat de John à Dallas, venue rendre visite à une amie de pension à Paris. Elle se déplace en longue ­Cadillac noire, élégante et lointaine, d’une exquise et aristocratique proximité apparente… C’est l’Oriane de Guermantes du roman, délicieusement et cruellement proustien, de ­Michel Crépu. On est au mitan des ­années 1960. Suzan, l’amie peintre d’origine américaine que vient retrouver Jackie, est la tante de Bretagne du jeune narrateur, qui vit dans son mystérieux appartement de la rue de Bassano. Grâce à cette artiste pudique et secrète, au monde littéraire et esthétique qu’elle lui ouvre, il commence son apprentissage. Mais hésite encore entre vocation d’écrivain et de reporter de guerre, aux avant-postes qu’il est d’une université qui conteste, déstructure et restructure, proclame la défaite du Sens, l’esthétique du fragment, la fin de l’Histoire…

Michel Crépu dessine à merveille le cheminement intellectuel d’une génération – la sienne ? –, y tisse l’histoire politique et internationale de l’après-guerre, en évoque superbement le climat léthargique et inquiet à la fois, comme le tourment intime d’un adolescent qui se construit. Avec ses deuils et ses obsessions, ses dégoûts et ses fascinations. Ainsi en va-t-il de l’étrange Siera, rencontré à la ­revue littéraire où le narrateur commence à travailler. Ce riche poète argentin exilé l’émerveille pour sa distance amusée avec les idées et les êtres, pour ses excentricités aussi, sa soif de célébrité. Suzan la discrète et Siera le magnifique l’auront, chacun à sa manière, intro- ou extravertie, façonné…

De quoi est fait un être ? De ce qu’il observe, de ce qu’il traverse, de ce qu’il éprouve ? Le regard acéré et bienveillant que porte Michel Crépu sur un moment de notre Histoire mondiale – l’assassinat non élucidé de John Fitzgerald Kennedy – et de la société française, et de la culture française, est tout ensemble romanesque et passionnant. Le lire, c’est éprouver aussi la joie d’un temps retrouvé. Comme dans la Recherche proustienne… Le ­pari n’était pas facile. Mais le grand ­critique littéraire Michel Crépu sait de quoi est forgée la littérature. Il en maîtrise les secrets, manie avec élégance suspens et fantastique, érudition et mélancolie, rêve et réalité. Il est devenu romancier.

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