Uranium africain. Une histoire globale

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Uranium africain. Une histoire globale

C’est l’histoire d’une marque de vaisselle américaine, commercialisée jusque dans les années 1970 et dont on trouve encore quelques exemplaires vintage sur eBay. Les céramiques Fiesta ont la particularité de voir leur couleur jaune virer à l’orange à la cuisson, étant vernies… à l’uranium. Peut-on qualifier de nucléaire un service de vaisselle ? Qu’est-ce qui est nucléaire, qu’est-ce qui ne l’est pas ? C’est sur ces questions, en apparence incongrues, que s’ouvre la captivante enquête de Gabrielle Hecht. Cette historienne américaine, qui a revisité l’histoire du nucléaire français (Le Rayonnement de la France), plonge cette fois dans la profondeur des mines d’uranium d’Afrique et nous raconte « une histoire d’invisibilité », celle d’un continent que l’on voit toujours comme dépourvu de technologie, celle de milliers de mineurs au Niger ou en Afrique du Sud, irradiés des années durant, sans que ces pays aient une « activité nucléaire ». Qui se souvient que ce fut de l’uranium congolais qui fut lâché sur Hiroshima ?

Pour y voir plus clair, Gabrielle Hecht a forgé un concept : la « nucléarité », soit la façon dont des objets, des risques, des Etats se voient désignés comme « nucléaires ». Car la nucléa­rité n’est pas la même pour tout le monde. Selon « un rapport majeur de 1995 […] ni le Niger, ni le Gabon, ni la Namibie n’avaient la moindre « activité nucléaire ». Et ce alors que, la même année, ces nations fournissaient plus d’un cinquième de l’uranium alimentant les centrales nucléaires » européennes, américaines et japonaises.

S’appuyant sur des archives collectées en Namibie, au Gabon, en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis, et une centaine d’entretiens de terrain (notamment avec des mineurs), l’historienne démontre magistralement comment la nucléarité fut, et demeure, une « construction complexe et fragile », variant selon les rapports de force, les lieux, les moments. Et combien, à l’heure où la Chine (et d’autres) investit massivement dans le nucléaire, cette activité représente un enjeu essentiel — politique, social, environnemental, sanitaire.

A combien s’élèveraient nos factures d’électricité si le prix de l’ura­nium incluait le coût réel de la nucléarité (notamment celui de la protection de la santé et de l’environnement) en Afrique ? « Le calcul reste à faire. » — Weronika Zarachowicz

 

Being Nuclear: Africans and the global uranium trade , traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charlotte Nordmann, éd. du Seuil, 416 p., 23 €.

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