Une soirée chez Claire

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Une soirée chez Claire

Les plaques de neige qui brillent sous le soleil du printemps, les « belles dames blanches » ruinées qui fréquentent le casino, les parties de chasse du père : voici la Russie de 1917 à 1920 vue par un adolescent de 16 ans, Nikolaï. Pour qui l’année 1917 est moins le surgissement de la révolution que la violente émotion qu’il éprouve devant Claire : « Elle avait de longs ongles roses, des mains très blanches, un corps longiligne, ferme, et des jambes très élancées aux genoux haut placés. » Le genou de Claire, 18 ans, un peu moqueuse avec le lycéen qu’il est encore, il ne l’approchera pas. Claire se mariera et disparaîtra des terres russes, sans quitter sa mémoire. Etranger à toute forme de rhétorique politique, indifférent aux discours prophétiques sur l’Histoire, Nikolaï fera pourtant la guerre dans l’Armée blanche… Car la guerre est pour lui l’aventure, le prolongement des romans picaresques, et, peut-être, l’opportunité d’être tué. Un spectacle aussi : celui des trains blindés traversant des plaines enneigées ou, à Sébastopol, d’une foule ballottée par les événements, écoutant tristement les chants qui s’échappent des théâtres ou des cafés bondés. Les navires ancrés dans la rade, invitant au départ inéluctable de son pays tourmenté, sont moins pour lui l’occasion d’une fuite que celle de l’oubli. Ce très beau texte classique, publié en 1930, est le premier du grand Gaïto Gazdanov (1903-1971), qui s’exila en France en 1923 et figure parmi les plus beaux écrivains de l’immigration russe.— Gilles Heuré

 

Vecher ou Kler, traduit du russe par Françoise Godet-Konovalov et S.C., éd. Viviane Hamy, 174 p., 18 €.

 

Lire aussi le recueil de nouvelles Cygnes noirs, de Gaïto Gazdanov, traduit du russe par Elena Balzamo, éd. Viviane Hamy, 80 p., 9 €.

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