Une bobine de fil bleu

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Une bobine de fil bleu

Les infimes compromissions et les tromperies familiales restent le sujet privilégié d’Anne Tyler, prix Pulitzer en 1989 pour Leçons de conduite et dont le magnifique Une bobine de fil bleu est le vingtième roman. Nous sommes à Baltimore, théâtre favori des fictions de l’Américaine, précisément chez Red et Abby Whitshank, un soir de juillet 1994. En apparence, la vie coule comme un fleuve tranquille, les filles quittant le bercail, les petits-enfants laissant des traces de chocolat sur les rideaux, le fils revenant chez ses parents alors que son couple bat de l’aile. Anne Tyler avance à pas comptés dans une narration limpide. La maison cossue des Whitshank, avec sa salle de bains à l’étage et ses portes-fenêtres qui ne grippent jamais, semble la principale héroïne de cette fiction qui joue avec les apparences. Tout est normal, mais il suffit qu’Abby perde un peu la tête, traverse la rue sans regarder autour d’elle pour que tout se mette à grincer.

Sans précipitation ni effets, Anne Tyler décrit le temps qui passe, les mensonges qu’on ne parvient plus à dissimuler sous le tapis, l’intrusion des enfants dans la vie des parents et la faute originelle qui refait inévita­blement surface. Elle évoque aussi les acquis matériels qui racontent une vie, deux vies, pour finir dans une benne à ordures qui ne fait pas la dif­férence entre le parapluie cassé et la « petite maison en argile modelée par des mains peu expertes, peinte dans les tons rouges, verts et jaunes qu’affectionnent les jeunes enfants ». L’humour et la tendresse des premières pages se vinaigrent peu à peu, évitant ainsi le sirop de la nostalgie qui n’intéresse pas ­Anne Tyler, méticuleuse, feutrée et un rien perverse. — C.F.

 

A spool of blue thread, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cyrielle Ayakatsikas, éd. Phébus, 400 p., 22 €.

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