Traverser l’hiver

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Traverser l’hiver

Quatre femmes sans homme. Ou presque. Elles sont veuves, abandonnées ou délibérément seules. Et courageuses, et obstinées, allant vaillamment leur chemin ou leur désespoir, leur solitude.

Les puissantes et éni­gmatiques héroïnes de l’Américaine Melanie Wallace saisissent par leur rigueur, leur volonté de ne jamais s’apitoyer, de taire des souffrances qu’on devinera à peine. Elles sont droites et justes dans la tourmente. Et la romancière très forte de construire ce captivant récit rien que sur des silences, des non-dits, des absences. Que le lecteur traque comme dans un thriller. Car de chapitre en chapitre, un personnage cache l’autre ; et semble prendre toute la lumière pour mieux nous enfermer dans son opaque mystère. Mêmes les dialogues disparaissent parfois dans la prose intense de l’Américaine, jusqu’à faire corps avec la matière, la nature, les sons environnants.

La vieillissante Iris, atteinte de parkinson, a ainsi choisi de raser puis de reconstruire le domaine où un mari psychopathe lui a fait subir trop de sévices, dont elle n’a pas voulu laisser trace. Elle a tout pris sur elle, pour elle, choisissant de préserver en l’éloignant leur fille unique, Claire. Au risque de la perdre, d’en faire une jeune femme à jamais seule, elle aussi. L’unique amie d’Iris, Mabel, peine quant à elle à se ­remettre du mortel infarctus d’un compagnon très aimé. Elle survit à son chagrin par son travail — gérer un motel — et son empathique curiosité de l’autre. C’est ce qui l’a fait recueillir cette étrange adolescente transparente et fière que le père de son jeune bébé vient juste de quitter. Qui est June ? On ne le saura jamais vraiment.

Meurtris par la guerre ou la crainte de l’autre sexe, les rares hommes qui accompagnent ces femmes mutiques n’en révèlent rien. Le monde de Melanie Wallace est de noire solitude. Mais les paysages sauvages y deviennent sourdement protecteurs et complices. Et ces êtres au coeur pur qui affrontent tant de secrets et de vides intérieurs ont une ampleur, une dignité qui forcent le respect. De la tragédie, on passe alors à une tout humaine rédemption. Splendide. — Fabienne Pascaud

 

The Girl in the garden, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent, éd. Grasset, 300 p., 20 €.

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