Traité des bons sentiments

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Traité des bons sentiments

Volontiers condescendante, l’époque les nomme, de façon un peu paresseuse, les « bons sentiments ». Sous cette expression péjorative très en vue se cache une kyrielle d’affects et d’émotions comme la compassion, la sympathie, l’empathie, la générosité, la fraternité, la pitié, la commisération, la sollicitude, l’humanitaire, l’angélisme, etc. La liste est aussi touffue dans ses ramifications que lâche dans ses contours. « Bons » sentiments alors ? Plutôt mauvais, tant ils se voient aujourd’hui décriés, dénigrés, attaqués de toutes parts — ainsi, très récemment, dans l’emblématique Contre la bienveillance, d’Yves Michaud. Mais pourquoi les bons sentiments ont-ils si mauvaise réputation ?

C’est cette contradiction logique et linguistique que cherche à démêler, avec une grande exigence, Mériam Korichi dans son Traité des bons sentiments. A rebours des pamphlets ou des querelles idéologiques à la mode, la jeune philosophe spécialiste de Spinoza — et également dramaturge — recourt à une forme classique, docte et désuète : un traité composé de quatre-vingt-dix-neuf entrées. A l’âge classique, les bons sentiments avaient en effet meilleure presse, qu’ils aient été exaltés par Mme de Sévigné ou par Vauvenargues — « Si vous avez quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rende plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère ». En s’attachant à jeter la lumière sur les bons sentiments, cette zone floue et confuse, véritable « mêlée lexicale », Mériam Korichi croise librement la route de Descartes et de Kubrick, de Wittgenstein et de Warhol, de Flaubert et de Sophie Calle. Le phénomène affectif mérite mieux que d’être jeté avec l’eau du bain des bons sentiments. Pour survivre au cliché. — Juliette Cerf

 

Ed. Albin Michel, 256 p., 22 €.

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