Starve

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Starve

La gastronomie sur le gril. Chef virtuose, légende des fourneaux et des petits écrans, Gavin Cruikshank a, depuis des années, remisé sa toque et ses étoiles au placard. Caractériel, toxicomane et totalement parano, l’homme vit aux tréfonds de l’Asie lorsque les producteurs de l’émission phare qu’il a créée viennent le chercher. Starve est une sorte d’Apocalypse now à l’envers, comme si le colonel Kurtz, incarné à l’écran par Marlon Brando, quittait soudain sa jungle pour aller solder quelques vieux comptes en ville… Critique saignante de la surmédiatisation de la gastronomie, des grands raouts télévisuels, où la vérité de l’assiette pèse si peu face à l’audimat, Starve entonne un refrain bien connu des fines gueules. Mais l’album de Brian Wood va plus loin. Il souligne la dérive obscène d’un art devenu un marqueur social, une façon de s’épater entre riches amis, quel qu’en soit le prix pour les ressources et l’environnement. Et peu importent les pauvres et les sans-dents, tant qu’ils ont du pain et des jeux…

Efficace, haletant, Starve est tout ­autant un « comic » brillant qu’une critique sociale d’une rare virulence, qui fait écho aux réflexions de certains chefs « en rupture », comme Gilles Stassart. Déjà remarqué pour quelques épisodes de la série Northlanders (Urban Comics), le dessin de Danijel Zezelj fait ici merveille. Maître des noirs et des encrages, le dessinateur croate aime les visages longs, anguleux ou grotesques. Ses personnages évoquent tant les gravures expressionnistes allemandes que les dessins charbonneux de Burne Hogarth, le génial dessinateur des premiers Tarzan. Un mets graphique à ­déguster à chaud. — Stéphane Jarno

 

Ed. Urban Comics, 256 p., 22,50 €.

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