Sombre dimanche

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Sombre dimanche

Trente ans de la vie d’un pays, d’un peuple, d’une famille surtout, les Mandy. A 26 ans et pour son troisième roman déjà, la très douée Alice Zeniter ne manque pas d’ambition : incarner, comme sur un très romanesque théâtre, les sursauts de la Hongrie avant et après le communisme, via le quotidien passablement immobile et plombé de quatre solitaires figés dans le mutisme et la tristesse. Excepté l’alcoolique grand-père Imre — farouchement anti-stalinien et dont la jambe a été arrachée lors de l’insurrection de 1956 — Pal (le père), Agi (la sœur) et Imre junior, le héros, petit-fils, fils et frère né en 1978, ne sont que les témoins passifs d’un destin national qui se noue sans eux et dont ils observent l’enlisement progressif, quoi qu’il arrive. S’ils bougent peu, réagissent peu, ils habitent tous ensemble près d’une gare pourtant. Où la mère finira écrasée par un train. Où la grand-mère se suicidera dans le jardin en avalant un poireau. Chacun des Mandy porte en lui un drame et s’en débrouille silencieusement comme il peut, dans la vieille maison trop près des rails, où les voyageurs balancent jour et nuit leurs déchets.

Avec maîtrise, sans aucun pathos et en jouant habilement de la chronologie, Alice Zeniter dresse une fascinante saga. Aucun des Mandy n’a choisi sa vie, pas plus que le pays ne semble avoir jamais maîtrisé son destin. Mais s’ils sont juste traversés par l’Histoire et leurs pauvres histoires, leurs pauvres rites, ces quatre-là se dressent au milieu du vide, de l’absence et de la fatigue d’exister avec une sublime mélancolie. Tels des errants de Giacometti.

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