Sans fautes de frappe. Rap et littérature

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Sans fautes de frappe. Rap et littérature

Et si la culture littéraire des rappeurs français était plus riche qu’on ne le pense ? C’est ce que tend à démontrer l’ouvrage de Bettina Ghio, professeur de français d’un lycée de région parisienne. Cet éclairage inédit qui tord le cou aux clichés les plus tenaces est le résultat d’une analyse extrêmement fouillée de la part de l’auteur, qui a recensé les références littéraires dans les paroles des rappeurs. Sans fautes de frappe dissèque un corpus rapologique extrait de « l’âge d’or du hip-hop français », une période qui a vu éclore quelques-unes des plumes les plus marquantes du genre, au mitan des années 1990 : MC Solaar, IAM, NTM, La Cliqua…

Prisonnier de sa mauvaise réputation, le rap français se heurte souvent au refus de principe d’un corps enseignant déstabilisé par la versatilité du vocabulaire banlieusard. Le livre de Bettina Ghio offre une grille de lecture aux non-initiés. On y découvre que toute une génération revendique l’héritage des auteurs classiques enseignés à l’école. Même si certains esthètes de la rime, friands de jeux de mots et de figures de style, admettent avoir connu l’échec scolaire, les cours de français étaient la matière qu’ils préféraient. Au détour d’un couplet, l’érudit MC Solaar cite Rimbaud (« Le dormeur du val ne dort pas / Il est mort et son corps est rigide et froid »), quand NTM décrit le quotidien des jeunes de cités à travers le prisme hugolien dans Le Monde de demain. Au-delà des écrivains récurrents tels que Proust, Céline ou Perec, le personnage de Cyrano de Bergerac a largement inspiré les « lyricistes » par son sens de la tirade. Oxmo Puccino retrouve « l’esprit du rap » dans la virtuosité verbale du héros d’Edmond Rostand. « La pratique livresque est une singularité du rap français qui le distingue de son aîné américain », écrit Bettina Ghio. Ce constat audacieux sera-t-il suffisant pour réhabiliter les textes de rap auprès des lettrés ? On a envie d’y croire. — François Chevalier

 

Ed. Le mot et le reste, 288 p., 21 €.

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