Sailor Twain

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Sailor Twain

« Je vais tout vous dire. Mais vous ne me croirez pas », prévient le héros. L’histoire est à peine croyable, en effet, puisque dès la page 64 de ce roman graphique qui en compte quatre cents, le capitaine de la Lorelei, un bateau sillonnant l’Hudson, recueille une sirène blessée et va la cacher pour la soigner. Ce 25 mai 1887, la vie d’Elijah Twain bascule, et la croisière partie de New York change de cap avec, à son bord, la plus imprévisible des passagères clandestines. Donner au réel des airs de légende, et installer le fantastique comme un simple décalage du quotidien : c’était le pari de Mark Siegel, qui va se révéler aussi brillant conteur que créateur d’ambiances virtuose.

Comme on le sait, la sirène s’attache à perdre celui qu’elle captive par son chant. Celle de l’Hudson s’attache à son sauveur, partage avec lui le goût des histoires romanesques. Mais elle n’est pas étrangère, on s’en doute, aux mystères qui accompagnent la Lorelei. La disparition, l’année précédente, du propriétaire du bateau, un certain Jacques-Henri Lafayette (lointain descendant du marquis). Le comportement erratique de son frère cadet qui, entre deux conquêtes féminines à la hussarde, paraît obsédé par le livre d’un certain C.G. Beaverton, Secrets et mystères du fleuve Hudson. L’apparition sporadique de deux gamins qui, tels des lutins insaisissables, narguent le capitaine… L’auteur s’évertue moins à lever tous les mystères qu’à entretenir l’ambiguïté d’un entre-deux romanesque, qui tient en haleine par la grâce d’un dessin « atmosphérique » au crayon et au fusain, évocateur de mélancolie brumeuse et de menace sourde. Si l’intrigue, minutieusement composée, file à toute vapeur, elle offre un tableau fouillé d’une époque et d’un milieu (le gratin des riches familles new-yorkaises), avant d’oser une vertigineuse plongée dans les grands fonds de l’imaginaire, au royaume de la sirène et de ses victimes. Là où Mark Siegel voulait en venir, réinventant une mythologie singulière, assez troublante pour déboucher sur le rêve. Ou, plus sûrement, en l’occurrence, sur un cauchemar…

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