Quand sort la recluse

Ajouter un commentaire

Quand sort la recluse

D’abord il y a le titre, emmitonné de brume, construit sur un mot aux accents surannés : Quand sort la recluse. A quoi renvoie-t-elle précisément, cette recluse ?, s’interroge le lecteur, qui se lance dans le roman comme on s’aventure au coeur de la forêt. Il devra attendre, embarqué en manière d’amuse-bouche sur une fausse piste, une histoire de femme, de mari et d’amant que le fameux commissaire Adamsberg, favori de l’auteure, résoudra façon Sherlock’n’roll. Mais revenons à la recluse, maître mot du livre. Car ce sont les mots qui font le charme des romans de Fred Vargas. Une façon de les déguster comme des friandises, de les déshabiller lentement, de les sortir de leurs tanières, parfois très anciennes, de les mettre à la question, de les répéter, de les convoquer à contre-emploi. Ainsi d’étoc, que l’auteure prend soin de définir, « ces rochers ­immergés sur lesquels s’éventrent les ­bateaux », avant de le faire rejaillir, quelques pages plus loin, dans le contexte totalement décalé d’un remue-­méninges policier : « Et donc nous butons là sur un étoc particulièrement vicieux. » Ainsi de blaps, gros coléoptère ventru, « nommé le puant, l’annonce mort », sorti de son contexte lexical plutôt technique pour devenir tout au long du roman nom commun empreint de poésie noire, les blaps ­désignant une bande immonde de ­violeurs en série.

Et la recluse, vous demandez-vous, de plus en plus impatient ? Elle est au coeur du mystère et de la légende qui donnent au texte ses allures de conte. Il était donc une fois Loxosceles rufescens, une araignée farouche et, semble-t-il, dangereuse puisque quand commence l’histoire trois vieillards sont morts après avoir goûté de son venin. Mais « recluse » ne peut-il pas être entendu dans un autre sens ? Chez Vargas, attention, ce sont les mots, les idées et les images qui y sont associées qui mènent la danse, font avancer l’enquête et le ­récit, au fur et à mesure qu’on les décortique, au fil d’une logique ondoyante dont Adamsberg est familier. Ses mots sont des friandises, disions-nous, et son nouveau roman, un pur délice ! — Michel Abescat

 

Ed. Flammarion, 480 p., 21 €.

Commandez le livre Quand sort la recluse

Laisser une réponse