Profession du père

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Profession du père

Ce pourrait être un roman en noir et blanc — comme un film de Truffaut où les gosses font les quatre cents coups et s’inventent des vies d’aventure. Car nous y sommes, à cette même époque. 1961 : la guerre d’Algérie fait rage et, de l’autre côté de la Méditerranée, un putsch menace le régime. Le petit bonhomme, qui est aussi le narrateur, s’appelle Emile Choulans. Son père, André, est un sale type qui le tabasse, le réveille à 4 heures du matin pour l’endurcir et qui tentera bientôt de l’enrôler dans l’organisation secrète, l’OAS, en vue d’assassiner de Gaulle, qui a « lâché » l’Algérie française. Tout y passe : la ceinture, le martinet et les coups de pied pour faire de lui un bon soldat et le complice de ce qu’il ne faut révéler à aucun prix. Le petit Emile, 12 ans, asthmatique et passionné de dessin — on le surnomme Picasso —, se prend au jeu, surveille ses arrières quand il marche dans la rue, dépose des lettres de menace, inscrit des slogans à la craie, et même cherche à son tour à jouer les agents secrets.

Comment résister à cette brute de père, qui dit avoir été parachutiste, ceinture noire de judo, footballeur professionnel, avoir conspiré pour cacher Rudolf Noureev échappé d’URSS, et dont le parcours, invérifiable, semble n’avoir été que rébellion paranoïaque ? Emile deviendra grand, restaurateur de tableaux, marié et père, avec toujours, en lui, cette plaie d’enfance au coeur, qui ne se refermera pas lors de la cérémonie des adieux, à la mort de son père. L’histoire, la grande comme la petite, réduite au cercle familial, traverse la vie du gamin, l’entoure de duperies et de violences. Et ce roman magnifiquement dépouillé ne retrouvera finalement ses couleurs qu’à l’âge où l’homme tentera de regarder son enfance en face. — Gilles Heuré

 

Ed. Grasset, 320 p., 19 €.

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