Prévert, inventeur (tome 1)

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Prévert, inventeur (tome 1)

Longtemps après, André Breton dira du jeune Prévert : « Il n’excellait alors que dans l’art de vivre et de tout animer de ses saillies. » On ne pouvait mieux cerner le vibrionnant jeune homme, né en 1900, qui, loin de chercher sa voie, improvise sa vie à tout-va, accompagné comme son ombre par ses grands copains, Marcel Duhamel (futur créateur de la Série noire) et Yves Tanguy (futur peintre surréaliste). Et qui, surréaliste comme il respire, a vite fait de se lier aux « stars » du mouvement : Breton, Aragon, Desnos, Queneau…

Que faire d’une vie de dilettante autoproclamé dans une époque, les années 1920, et un milieu artististique, Montparnasse, archi racontés ? La vider du superflu didactique, d’abord, puis fuir la reconstitution antiquaire au profit d’une déambulation complice. Le scénariste, Hervé Bourhis, isole une foule d’épisodes avérés pour pointer avec une grande agilité narrative la fantaisie spontanée qu’ils expriment. Tandis que, dans son dessin, Christian Cailleaux s’émancipe de la case pour mieux attraper le personnage en mouvement, dans ses imprévisibles embardées provocatrices et autres sarabandes nocturnes dûment alcoolisées.

Ce Prévert-là n’a pas encore écrit une ligne. Mais c’est lui qui va imaginer l’exercice du « cadavre exquis » si cher aux surréalistes. Au premier essai sortit : « Le cadavre exquis boira le vin nouveau. » Bonne pioche. Il s’affirme en parlant. Beaucoup. Du soir au (petit) matin. Jeux de mots, aphorismes, calembours, tout y passe, véritable voix off du récit. Ce n’est pas le moindre atout de ce premier tome d’un tryptique annoncé qui esquisse, en un décousu main d’une élégante fluidité, le portrait du scénariste et poète archi célébré qu’il allait devenir. Prévert, inventeur de lui-même : quel spectacle ! — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. Dupuis 72 p., 16,50 €.

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