Peggy dans les phares

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Peggy dans les phares

« Elle est grande, mince et brune. Elle a des gestes, un caractère, une dégaine. » Ainsi Françoise Sagan décrit-elle Peggy Roche, dans un article paru en 1987 dans L’Egoïste (1) . Ailleurs : « Une dégaine de femme fatale et des pudeurs d’adolescente, la colère prompte mais le coeur sur la main, l’oeil distrait mais un regard de lynx. » Portraits précis, lapidaires – des mots nets comme des traits de crayon traçant sur la page blanche une silhouette ferme, élégante, impeccable. Peggy Roche fut pourtant, pour Sagan, bien plus qu’un profil esquissé. Une compagne, une amie, une épaule, un fol amour, plus de quinze années durant – mais comme se tenant dans l’angle mort de l’image chatoyante et rabâchée de la Sagan publique. Jamais, en effet, les deux femmes ne s’affichèrent en couple. Elles reposent à présent toutes deux au cimetière de Seuzac, près de Cajarc, berceau de la famille Sagan, mais le nom de Peggy Roche ne figure pas sur la sépulture de pierre, demeurée anonyme.

Insaisissable Peggy Roche, à qui Marie-Ève Lacasse consacre aujourd’hui ce joli roman-portrait qui tente de l’attraper, d’en pénétrer le coeur et les pensées, Peggy dans les phares. Emettant, pour ce faire, de séduisantes et convaincantes hypothèses. Retraçant tantôt à la troisième personne, tantôt en donnant voix à Peggy, l’odyssée du singulier binôme que formèrent les deux femmes, auscultant leur relation amoureuse symbiotique – « J’analyse le monde avec tes souvenirs et ta manière d’habiter la vie. Je suis traversée par tes pensées obsédantes » – qui n’avait nul besoin du regard des autres pour exister et, au fil des années, dépasser « l’euphorie originelle » de la rencontre et des premiers instants, pour toujours se consolider, en puisant dans la durée une force, une solidité, une réciprocité sans faille.

Mannequin, puis rédactrice de mode et styliste, femme ambitieuse et stoïcienne, Peggy Roche aurait rencontré Sagan pour la toute première fois en 1955, peu après la parution de Bonjour tristesse, propose Marie-Eve Lacasse. Leur relation amoureuse se noua bien plus tard, et dura près de vingt ans, jusqu’à la mort de Peggy, en 1991. Dans son beau livre de souvenirs (1) , Denis Westhoff, le fils de l’écrivain, notait : « Lorsque Peggy s’en alla, ce fut une part de ma mère qui disparut avec elle et ne revint jamais. » — Na.C.

 

(1) Lire le recueil Chroniques 1954-2003, qui vient de paraître aux éd. Le Livre de Poche (702 p., 8,90 €), où l’on retrouve aussi le récit de Denis Westhoff, Sagan et fils, paru également seul aux éd. Le Livre de Poche (232 p., 6,60 €).

 

2T Ed. Flammarion, 246 p., 18 €.

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