Par les chemins noirs

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Par les chemins noirs

15€

Roman (broché). Paru en 10/2016

Par les chemins noirs

Sylvain Tesson

2014. « L’année avait été rude. Je m’étais cassé la gueule d’un toit où je faisais le pitre. J’étais
tombé du rebord de la nuit, m’étais écrasé sur la Terre. Il avait suffit de huit mètres pour me
briser les côtes, les vertèbres, le crâne. J’étais tombé sur un tas d’os. Je regretterais longtemps
cette chute parce que je disposais jusqu’alors d’une machine physique qui m’autorisait à vivre
en surchauffe. Pour moi, une noble existence ressemblait aux écrans de contrôle des camions
sibériens : tous les voyants d’alerte sont au rouge mais la machine taille sa route. La grande
santé ? Elle menait au désastre, j’avais pris cinquante ans en dix mètres. À l’hôpital, tout
m’avait souri. Le système de santé français a ceci de merveilleux qu’il ne vous place jamais
devant vos responsabilités. On ne m’avait rien reproché, on m’avait sauvé. La médecine de
fine pointe, la sollicitude des infirmières, l’amour de mes proches, la lecture de Villon-le-punk,
tout cela m’avait soigné. Un arbre par la fenêtre m’avait insufflé sa joie vibrante et quatre mois
plus tard j’étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d’un autre dans les veines, le
crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage
difforme. La vie allait moins swinguer.
Il fallait à présent me montrer fidèle au serment de mes nuits de pitié. Corseté dans un lit étroit,
je m’étais dit à voix presque haute : « si je m’en sors, je traverse la France à pied ». Je m’étais
vu sur les chemins de pierre ! Je voulais m’en aller par les chemins cachés, flanqués de haies,
par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. Il existait
encore une géographie de traverse pour peu que l’on lise les cartes, que l’on accepte le détour
et force les passages. Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme,
épargnée par l’aménagement qui est la pollution du mystère. Une campagne du silence, du
sorbier et de la chouette effraie. Des motifs pour courir la campagne, j’aurais pu en aligner des
dizaines. Me seriner par exemple que j’avais passé vingt ans à courir le monde entre Oulan-
Bator et Valparaiso et qu’il était absurde de connaître Samarcande alors qu’il y avait l’Indreet-
Loire. Mais la vraie raison de cette fuite à travers champs, je la tenais serrée sous la forme
d’un papier froissé, au fond de mon sac… »
Avec cette traversée à pied de la France réalisée entre août et novembre 2015, Sylvain
Tesson part à la rencontre d’un pays sauvage, bizarre et méconnu. C’est aussi l’occasion d’une
reconquête intérieure après le terrible accident qui a failli lui coûter la vie en août 2014. Le voici
donc en route, par les petits chemins que plus personne n’emprunte, en route vers ces vastes
territoires non connectés, qui ont miraculeusement échappé aux assauts de l’urbanisme et de
la technologie, mais qui apparaissent sous sa plume habités par une vie ardente, turbulente
et fascinante.

Sylvain Tesson est né en 1972. Aventurier et écrivain, président de la Guilde européenne
du Raid, il est l’auteur de nombreux essais et récits de voyage, dont L’axe du loup . Son
recueil de nouvelles Une vie à coucher dehors , s’inspirant de ses pérégrinations, reportages
et documentaires, a reçu le prix Goncourt de la nouvelle 2009. Dans les forêts de Sibérie a été
couronné par le prix Médicis essai 2011 et Berezina par le prix des Hussards 2015.

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