Orphelins de Dieu

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Orphelins de Dieu

Quand on ouvre un roman dont les personnages principaux s’appellent L’Infernu et Vénérande, un grand rai de lumière invite à prendre place ; l’envie de savoir de quel bois se chauffent ces héros aux noms claudéliens est plus forte que la raison. Raison qui jamais ne semble guider les actes, dans ces montagnes corses du XIXe siècle. Vénérande a quelque excuse pour agir à l’impulsion et à l’obsession : depuis des années, son frère se terre dans le noir et le silence, le visage lacéré et la langue coupée par des tortionnaires qu’il n’a pu identifier. L’Infernu, lui, a mis un point d’honneur à faire de son passage sur terre une répétition de ce qui l’attend en enfer. Tueur à gages depuis le plus jeune âge, il doit son efficacité à son absence d’états d’âme.

L’accord passé entre ces deux animaux au sang froid est simple : Vénérande achète sa vengeance à L’Infernu et lui commande le massacre des bourreaux de son frère. Le marché est conclu dans un chapitre magistral, où les deux voix se livrent à un combat invisible, se heurtent et se reconnaissent, se chassent et se superposent, éternellement blanches pour masquer leurs fragilités.

Après Murtoriu, roman inclassable, écrit en corse, où il vitupérait contre son époque, Marc Biancarelli signe une oeuvre plus sèche et ramassée, âpre et convulsive, en français cette fois. Il pulvérise la langue comme un tailleur de pierre, tout autant archéologue en quête de ses propres origines qu’artiste contemporain interrogeant la violence de son temps. Impossible de ne pas être aimanté par ce Tarantino du maquis. — Marine Landrot

 

Ed. Actes Sud 236 p., 20 €.

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