Nouvelles

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Les romans et les nouvelles de William Faulkner (1897-1962) « sortent de la même mine d’or », écrit avec une belle netteté l’universitaire François Pitavy, spécialiste du grand Bill, dans la précieuse préface ouvrant ce volume qui rassemble les fictions courtes de l’écrivain — et qui vient clore l’édition en Pléiade, en six tomes (1) , de l’oeuvre intégrale du plus grand auteur américain du xxe siècle. D’ailleurs, si l’examen approfondi de la vie de Faulkner révèle l’existence de périodes durant lesquelles l’activité de nouvelliste l’occupa de façon particulièrement intense — les revenus qu’il en tirait, en les vendant au Harper’s Magazine ou au Saturday Evening Post, n’y furent pas pour rien —, il s’y consacra, en fait, tout au long de son existence, du moins jusqu’au prix Nobel (1949). Plaçant l’art du bref au plus haut (« Peut-être que tout romancier désire commencer par écrire des poèmes, dé- couvre qu’il ne peut pas et aborde alors la nouvelle qui, après la poésie, est la forme littéraire la plus exigeante. Et c’est seulement après avoir échoué là qu’il se tourne vers le roman… »), composant certains de ses romans en laissant se dilater ce qui était au départ une prose courte, ou en en agglomérant plusieurs.

D’un corpus d’une centaine d’histoires, Faulkner avait lui-même extrait quarante-deux nouvelles pour composer, en 1950, un volume, Nouvelles choisies. Cet ensemble, soigneusement composé par l’écrivain, organisé en six sous-parties précises, constitue l’épicentre de ce volume de la Pléiade. On s’y trouve immergé dans ce Sud fictionnel dont Faulkner s’est fait le démiurge, le fameux comté de Yoknapatawpha, géniale transposition littéraire du Deep South originel — « mon petit coin de terre natale, grand comme un timbre-poste, que je ne vivrai jamais assez longtemps pour […] épuiser… »

Formellement plus simples que ses architectures romanesques modernistes et virtuoses, et donc plus faciles d’accès, ses nouvelles restituent le décor, la chaleur, la lumière, l’atmosphère tout ensemble tendue et dolente du Mississippi. Y résonnent les voix multiples de sa population (« petits Blancs » impécunieux, machistes, racistes et violents, Noirs officiellement libérés de l’esclavage mais toujours assujettis, femmes harassées et craintives…), que l’écriture savante de Faulkner, irriguée par la grande leçon de Mark Twain et des Aventures de Huckleberry Finn, restitue de façon tellement incarnée, sonore, triviale.

« Les Bardeaux du bon Dieu », « Une rose pour Emily », « Septembre ardent », « Feuilles rouges », « Ma grand-mère Millard »… : les nouvelles les plus connues de l’écrivain appartiennent à cet ensemble des Nouvelles choisies. Mais le présent volume offre l’intégralité de la production du nouvelliste Faulkner : ses « Croquis de La Nouvelle-Orléans », les nouvelles qu’il n’avait pas retenues dans l’anthologie de 1950, celles qui furent publiées de façon posthume (« Le Caïd », « Evangeline »…), ainsi que quelques textes autobiographiques d’intérêt majeur. Parmi ceux-là, le splendide et doucement mélancolique « Mississippi » (1954), lyrique et rugueuse esquisse d’archéologie du territoire du Sud, mêlée d’un autoportrait de l’écrivain, écrit à la troisième personne. Quelles sont les raisons d’aimer ce Sud, son pesant mais nécessaire biotope ?, s’interroge-t-il. Quelles sont celles de le haïr, de le maudire à jamais ? « Il sait à présent qu’on n’aime pas parce que, mais malgré ; non pour les qualités, mais malgré les défauts. » — Nathalie Crom

 

(1) Le cinquième volume des romans, dirigé par François Pitavy et Jacques Pothier et regroupant La Ville, La Demeure et Les Larrons, est paru en novembre 2016.

 

Edition établie par François Pitavy, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1800 p., 67 € jusqu’au 31/12, 74 € ensuite.

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