Nos lieux communs

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Nos lieux communs

Les « lieux communs » de Chloé Thomas ne sont pas ceux de la banalité. Aucun cliché dans son écriture, et si une impression de déjà-vu fourmille entre les lignes, c’est parce qu’elle rappelle Patrick Modiano, ce qui, pour un premier roman, en jette assurément. Même sens du flou qui sculpte et aiguise, même art de la filature d’êtres qui se dérobent. Née en 1985, la romancière s’ébroue dans le militantisme ouvrier des années 1970 comme dans un liquide amniotique, elle parle d’une époque qu’elle n’a pas connue comme si c’était hier matin.

Loin des poncifs, blottie dans des « lieux communs » qu’elle aurait pu appeler « terrains d’entente » ou « communions d’esprit », elle retrace le parcours de Bernard et Marie, étudiants promis à l’encroûtement bourgeois, qui font le choix de l’usine juste après avoir raté le coche de 1968. Un garçon transparent, presque invisible, naît de leur union, avant que sa mère ne s’évapore dans une autre vie mystérieuse, laissant son enfant en bas âge tracer son chemin sans elle. Cette disparition donne au livre une étrangeté magnétique. L’absente semble enfouie sous le récit, son asphyxie silencieuse raidit chaque phrase, tandis que de nombreuses parenthèses tentent d’offrir leur assistance respiratoire. Avec le temps, qui a prolongé son engagement en épanouissement ? Chloé Thomas répond en sourdine, cachée derrière le personnage de la compagne du fils abandonné qui enquête sur ces deux existences tiraillées entre renoncement et persévérance. Son attachement au souffle, des phrases comme des citoyens, montre sa foi en la vie, porteuse d’un espoir sans cesse renouvelé. — Marine Landrot

 

Ed. Gallimard, 176 p., 16,50 €.

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