Mères, filles, Sept générations

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Mères, filles, Sept générations

Une « maison pleine de filles » : c’est, dans la version originale, le titre charmant derrière lequel s’avance cet ouvrage de l’Anglaise Juliet Nicolson, s’annonçant ainsi comme une roborative saga familiale truffée de figures ­féminines hautes en couleur — ce qu’il est, certes, mais à quoi il ne se résume pas. Récit attachant, exercice d’ego-histoire, essai… le texte de Juliet Nicolson relève à la fois de tous ces genres, sans se laisser enfermer dans aucun. Si l’auteure convoque, au fil des pages et des chapitres, sa parentèle féminine et joue le rôle de pivot entre les générations passées et actuelles — ses filles, nées dans les années 1980, sa petite-fille de 3 ans, qui répond au prénom délicieux et si britannique d’Imogen —, ce n’est pas dans le seul et grave dessein de garder la trace de son histoire généalogique, de rendre justice à l’existence des femmes célèbres ou anonymes auxquelles l’attachent des liens familiaux. Dans le geste de Juliet Nicolson s’impose aussi la volonté d’interroger la notion de filiation, de soupeser le legs que se sont transmis ces femmes, d’en évaluer le poids et les contraintes induites, de pointer les continuités et les ruptures, de faire, si possible, la part des choses entre la singularité familiale et les conventions évolutives des différentes époques que traverse son récit.

L’investigation dans le passé qu’entreprend Juliet Nicolson est favorisée, souligne-t-elle, par la « compulsion familiale à enregistrer les événements ». « Les placards, les tiroirs, les greniers de ma vie ont toujours regorgé de carnets, de dessins d’enfant, de photographies, de peintures, de cartes de Noël et de toute espèce de voiles de mariée et de couvre-chefs mités, précise-t-elle. Nous sommes apparemment incapables de résister à l’envie de constituer des archives, même si cela nous fait de temps à autre sombrer dans une sentimentalité brouillonne. » Déroulant la chronique familiale de façon chronologique, avec une tendresse vraie et profonde essorée de ce sentimentalisme qu’elle craint, Juliet Nicolson offre à son aïeule Pepita (1830-1871) d’ouvrir le bal. Lui succéderont Victoria, née de son mariage avec le gentilhomme anglais Lionel Sackville-West, et bientôt Vita Sackville-West, petite-fille de Pepita et grand-mère de Juliet. Trois femmes au fort tempérament qui, à travers leurs relations conjugales ou non avec les hommes — et avec certains lieux privilégiés aussi —, s’attachèrent à développer « des manières d’asseoir leur maîtrise d’un monde dont les structures cherchaient à les dessaisir », note l’auteure. Car, bien évidemment, à travers Pepita, Victoria, Vita, plus tard la si mélancolique Philippa, et bientôt Juliet elle-même, l’histoire que déroule ce beau livre est celle de femmes dont le désir d’exister ne cessa de se heurter au rôle social qui leur était assigné. — Nathalie Crom

 

A house full of daughters, traduit de l’anglais par Eric Chédaille, éd. Christian Bourgois, 384 p., 23 €.

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