Mâcher la poussière

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Mâcher la poussière

Découvert à 24 ans avec son premier roman, Zénith-Hôtel (éd. Finitude, prix de Flore 2012), Oscar Coop-Phane continue depuis, livre après livre — il y en a eu deux autres, Demain Berlin et Octobre —, de traquer les perdants de l'existence : une vieille prostituée titubant sur un trottoir parisien, des jeunes gens désabusés dérivant dans les ruelles de Berlin, un viveur mélancolique en fin de parcours…

Mâcher la poussière délaisse pourtant les ombres d'Emmanuel Bove et de Christopher Isherwood pour celles de Raymond Roussel, Jean Forton et Michel Foucault. Le héros du roman, le baron Stefano, vit enfermé dans un hôtel, assigné à résidence depuis qu'il a tué le neveu d'un mafieux palermitain. Désormais, Stefano brise la continuité des heures par de longues siestes l'après-midi, avant d'aller boire des Campari et des Bloody Mary auprès d'un barman qui l'écoute patiemment. Isabelle, la jeune femme de chambre, l'aide parfois à oublier le temps qui ne passe pas. Le monde se rétrécit et, bientôt, les allers-retours en ascenseur ressemblent à des aventures lointaines — la morphine y est sans doute pour quelque chose. Même l'arrivée de Raymond, un écrivain célèbre, ne peut rompre cette monotonie.

Ici, l'enfermement n'exige pas de barreaux, la prison est éternelle, avec la mort pour seule évasion possible… Roman vertigineux, Mâcher la poussière répond à La Cendre aux yeux qu'écrivit au mitan des années 1950 le désenchanté Jean Forton (1930-1982). On retrouve dans l'opus d'Oscar Coop-Phane la noirceur et l'élégance de Forton, en moins cruel, moins scandaleux, mais portées par une écriture qui change à chaque instant. Très loin d'un romanesque codé ou d'une structure en ligne droite, Mâcher la poussière s'amuse avec la fiction, n'abuse pas des références littéraires et choisit d'avancer à cloche-pied, penchant tantôt vers le huis clos décadent, tantôt vers des aventures de débauches et de trahisons qui tournent comme des manèges. Le résultat est déroutant, d'une séduction toxique qui pousse à l'addiction. — Christine Ferniot

 

Ed. Grasset, 320 p., 19 €.

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