Les Miettes

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Les Miettes

L’homme émerge d’un épais brouil­lard mental et s’interroge à haute voix (page 12) : « Mais enfin de quoi s’agit-il à la fin ? » Bonne question. Lancé à pleine vitesse, le récit a escamoté les présentations. On comprend qu’un baron sans nom a détourné un train vapeur vers Vaduz, capitale du Liechtenstein, afin de hâter le renouveau de ce micro-Etat injustement méprisé. Il est épaulé par des jumeaux qu’une chirurgie intempestive a raccordés en frères siamois qui se détestent et par une garde rapprochée déguisée en fanfare municipale. Il a kidnappé un alchimiste pour qu’il transforme le plomb en or mais qui n’en tirera qu’un piètre pastis. Des guérilleros de San Marin surgissent à cheval pour attaquer le train. Et, en guise de joker, un « charmeur de voies » au look rasta est sommé de faire léviter la loco et d’expédier le convoi par la voie des airs vers sa destina-tion. Sauf que…

Si « le charmeur de voies » est une ­réminiscence directe du Philémon de Fred, le souffle de cocasserie cataclysmique qui secoue Les Miettes n’appartient qu’au duo d’auteurs suisses encore quasi inconnus lors de la première parution du livre, en 2001. D’un trait mobile, expressif, railleur, Frederik Peeters semble improviser, sur les dialogues d’Ibn Al Rabin, une fantasia verbale d’une trivialité sophistiquée (ou l’inverse), curiosités de dictionnaire incluses (mitose, sconse, amaxobien, orichalque, epiloon…). En ne s’interdisant rien, ni les plus incongrues diversions ni les rebonds ludiques survitaminés, Peeters et Al Rabin catapultent cette non-histoire vers un grand large imaginaire purement jubilatoire. Cet ovni fut étrangement ignoré à sa sortie. C’est l’une des plus stimulantes (re)découvertes de l’année. — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. Atrabile 72 p., 18 €.

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