Les Feuilles d’ombre

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Les Feuilles d’ombre

Ils sont beaux, jeunes et privilégiés, dans le Dublin chaotique des années 1950. Liam, l’ami d’enfance de Sean, le narrateur, a « des yeux d’agent secret, des lèvres expertes dans l’art de la cigarette » et cite volontiers Walt Whitman car Joyce est tombé de son coeur. Les deux inséparables seront bientôt rejoints par Christine, Sarah et Jamesy, formant une bande d’étudiants désinvoltes, pas exclusivement préoccupés par la réussite de leurs examens. Ils dansent sur la musique de Glenn Miller et la guitare de Django Reinhardt, boivent du cherry jusqu’à tomber dans la piscine, jouent à Jules et Jim et profitent chaque soir de ces temps insouciants qui vont bientôt s’effilocher, tel un voile trop fragile. Mariages, séparations, voyages, liaisons… Les années passent, entre désirs confus et crises mystiques. Et lorsque l’Irlande explose une nouvelle fois, leur amitié n’est plus qu’un vain mot, et Sean est déjà rentré chez lui, à Galway.

La mélancolie de Desmond Hogan (né en 1950) s’accorde parfaitement aux paysages irlandais, à la lumière sourde noyée de pluie qui les baigne, aux lourds parfums de tourbe. Comme déjà dans Le Garçon aux icônes, son premier livre — paru à Dublin en 1976 et traduit l’an dernier chez Grasset, qui a entrepris l’édition de l’intégralité de ses romans —, Desmond Hogan accompagne les tourments d’un pays qui ne se reconnaît plus et l’errance d’une poignée de jeunes gens qui oublient de vieillir. Le roman est traversé de fantômes qui, telle Ophélie, plongent dans la rivière et continuent d’alimenter les légendes familiales. Paru en 1980, Les Feuilles d’ombre est une véritable découverte poétique et intimiste, mais aussi un portrait bouleversant de l’Irlande, porté par « le climat de l’âme », nostalgique et fiévreux. — Christine Ferniot

 

The Leaves on grey, traduit de l’anglais (Irlande) par Serge Chauvin, éd. Grasset, 220 p., 18 €.

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