Le Voleur d’estampes

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Le Voleur d’estampes

Manga à la française. La tentation est forte, pour beaucoup de jeunes dessinateurs qui sont nés et ont grandi avec Naruto et One Piece, d’adapter le graphisme et les codes narratifs du manga à la bande dessinée. Parfois avec succès (Reno Lemaire, Vanyda…), mais souvent sans grande originalité. Camille Moulin-Dupré tient un autre propos. Le Voleur d’estampes est moins un ersatz de manga qu’un hommage aux grands maîtres du mouvement artistique de l’ukiyo-e : Hiroshige, Hokusai, Utamaro, et parti­culièrement Harunobu. L’histoire de ce jeune homme, commis de cuisine le jour et monte-en-l’air la nuit, qui s’introduit chez les notables pour leur dérober toutes sortes d’objets, ne manque pas de piquant. S’il risque sa peau, c’est par jeu, pour mettre des couleurs dans le quotidien de la petite ville portuaire où il vit et bousculer la société japonaise de l’ère Meiji (1868-1912), qui peine à s’ouvrir à l’Occident.

Romanesque, plein de panache, ce cousin nippon d’Arsène Lupin est certes attachant, mais Le Voleur d’estampes est avant tout une performance graphique. Comme si, pour raconter cette histoire en deux volumes, Camille Moulin-Dupré avait mis de côté les conventions de la narration graphique moderne pour se glisser dans la peau d’un dessinateur japonais du xviiie siècle. Oubliés, les traits de vitesse, les cadrages spectaculaires, les bulles, les onomatopées, la débauche de mouvements, la recherche de réalisme, la multiplication des cases… Chaque page ou presque est une vignette, un tableau comme tout droit sorti d’un recueil de ces « images du monde flottant » qu’appréciaient tant Van Gogh, Manet et les frères Goncourt. Avec une différence de taille, cependant : l’absence de couleurs. Une contrainte dont le dessinateur se sort plutôt bien, en jouant sur les trames, les contrastes et, au bas mot, cinquante nuances de gris. Un projet audacieux, bien mené, où l’illustration rejoint habilement la BD.— Stéphane Jarno

 

Ed. Glénat, 208 p., 13,25 €.

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